Old Dead Tree / Liturgy of Decay - Nouveau Casino 20-10-07

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vpierres
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Messagepar vpierres » mar. oct. 23, 2007 10:50 pm

vraiment sympa ce petit concert ! ! !
ça m'a évité de voir cette finale sans essais...

moi, ce qui m'a frappé dans Liturgy of Decay, c'est la voix quasi atone du chanteur à chacune de ses interventions. Sinon, j'ai trouvé que ça allait à peu près, pas transcendant, mais convenable pour une première partie! (hormis ce speech interminable...)

Première fois que j'assistais à un concert de the old dead tree: vraiment sympa, j'ai entendu tous les titres que je voulais, j'ai découvert le dernier album et il tient la comparaison sur scène avec ses prédécesseurs!
et puis, j'ai beaucoup aimé l'attitude assez naturelle du groupe, pro mais pas prétentieux...

Une bonne petite soirée... :D
http://oneyearleft.virginradioblog.fr/w ... _mad_here/

un blog avec des clips, une radio et des belles images :-))

LITURGY OF DECAY
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REPONSE DU GROUPE LITURGY OF DECAY (âmes pressées s'abstenir

Messagepar LITURGY OF DECAY » jeu. nov. 01, 2007 10:53 am

Âmes pressées (très largement majoritaires) s’abstenir, mes interventions sur le web sont encore plus longues que mes interventions verbales durant nos concerts – et celle-ci est peut-être la plus longue que j’ai jamais écrite à destination d’internet. Ce post est une réaction globale à tout ce que nous avons pu lire sur divers forums suite à notre concert en première partie de The Old Dead Tree au Nouveau Casino ce 20 octobre – et c’est la raison pour laquelle je la fais figurer sur tous lesdits forums, bien que certaines remarques fassent référence à des choses qui auront été lues sur le forum voisin. Vue la longueur de l’intervention (on ne se refait pas), j’ai décliné les points de mes réactions en sections avec titres pour que chacun ne lise que ce qui l’intéresse – ou pas. Par ailleurs, sachez aussi que les propos tenus n’engagent que moi et mon groupe.

En préambule, je tiens à dire que pour nous, n’importe quel avis subjectif, personnel et qui se présente comme tel est éminemment respectable et a le droit à une expression libre, pleine et entière, aussi critique et même destructeur qu’il puisse être à l’égard de ce que nous faisons – et je salue à cet égard ceux qui ont pu avoir la critique respectueuse de son objet et ouverte d’esprit. Ca ne nous empêche pas d’avoir éventuellement des réactions à y apporter, ce que je vais faire, mais certainement aucune remise en question de fond quant à la démarche. Cependant, lorsque d’autres avis dépassent le cadre de cette humilité et de cette subjectivité assumée pour s’ériger en juges suprêmes du genre, du bon goût, de ce qui se fait et ne se fait pas, de ce qui a ou non sa place dans un concert, et outrepassent les limites de leurs propre légitimité pour déborder dans une excroissance irrespectueuse au regard de laquelle il m’apparaît important de recadrer un certain nombre de choses, je ne peux m’empêcher de prendre la plume pour restaurer le fondement de notre démarche et, à nos yeux, le caractère infondé de la leur.

Par avance et pour devancer la énième manifestation d’une autre critique bien connue, que ceux que la longueur extrême de ma façon de m’exprimer et de penser les choses rebutent passent leur chemin et se désintéressent de cette intervention – et qu’ils se passent aussi par-là même d’un commentaire sur ce point qui aurait assez peu d’intérêt au regard du sujet évoqué.

LE SON :
L’ACCUEIL DE LA SALLE

En ce qui concerne la question du son général et du mixage tout d’abord, il semble notoire au vu des critiques et des avis glanés ça et là qu’il y a eu de nombreux problèmes. Batterie surmixée et trop imposante dans les fréquences basses et bas médiums, guitares et voix sous mixées (ou probablement masquées par les excroissances des fréquences de la batterie et par les fréquences de résonance de la salle d’une manière générale). Nous sommes tout à fait prêts à reconnaître que le résultat de samedi était fort probablement loin d’être optimum (bien qu’étant sur scène, au final, nous n’en sachions finalement rien). Pour la décharge de notre ingé son qui a passé une soirée très difficile et qui prend sur lui beaucoup des responsabilités de cet échec, je dirais plusieurs choses.

La première est qu’en tant que première partie, le temps imparti aux balances est nécessairement réduit, ça fait partie du jeu on ne s’en plaint pas, tout le monde y passe et il n’y a pas de raison que nous dérogions à la règle, mais ça n’est pas sans conséquence sur le résultat final, c’est encore plus vrai pour une musique aussi chargée en instrumentations (donc difficile à mixer) que la nôtre. J’y reviendrai.

A cela, il faut ajouter pour sa décharge que la journée a été considérablement obscurcie pour lui bien avant nos balances par l’arrivée de graves problèmes personnels. Même si ça peut donner l’impression d’enfoncer une porte ouverte (mais au regard de la virulence sans concession et sans distinction de certaines critiques, il est évident que c’est un fait parfois oublié), les techniciens et les musiciens sont aussi des hommes, et cette humanité ainsi que la vulnérabilité qui lui est associée font qu’on peut tout à fait planter littéralement un concert, fût-il de la plus haute importance, parce que nous aurons été fragilisés dans cette vulnérabilité. Etant moi-même sonorisateur, je sais très bien à quel point une situation de déstabilisation psychologique forte peut faire perdre absolument tous ses moyens et presque tout jugement critique, toute oreille et toute connaissance technique.

Par ailleurs, il est bon de signaler que notre ingé son s’est fait accueillir et traiter comme un chien par l’ingé local de la salle (et ça aussi il faut croire que c’est la dure loi lorsque l’on est une première partie parfois, d’avoir une équipe technique locale qui vous prend de haut et vous envoie paître alors que la même est toute de miel pour la tête d’affiche). Ce dernier lui a pourri la tête sans relâche et avec un acharnement qui a même choqué certains observateurs extérieurs – et je regrette amèrement de ne pas avoir pris la mesure et l’ampleur du phénomène en temps et en heure, car étant moi-même sonorisateur, je sais précisément ce qu’un groupe est en droit d’attendre de celui qui accueille en local et je suis bien placé pour savoir que la façon dont les choses se sont passées sont juste inadmissibles dans la profession.

Pour ne citer que cela, l’équipe locale a tout de même été capable de mettre à l’un des guitaristes un retour dont le tweeter (c’est à dire ce qui, dans l’enceinte, produit les fréquences aigues et médium) était HS, sans réagir et en faisant comme si de rien n’était pendant la balance tandis que je me plaignais du fait que le son qui en sortait était complètement sourd alors que, je l’ai su après, « tweeter HS » était marqué sur l’enceinte, derrière, en gros (donc le technicien local qui l’a posé a bien été forcé de le voir), et résultat le guitariste a juste passé le concert à ne pas s’entendre et à jouer à l’aveugle. C’est pour donner une idée de la façon dont on a été accueillis nous et nos racks informatiques, qui ressemblait plus à une séance de bizutage qu’à autre chose – et certainement pas à l’accueil respectueux et ayant pour but que le concert se passe au mieux que tout technicien doit à l’égard des groupes qui se produisent le soir même, et ce quelle que soit leur importance. Par ailleurs, quoi qu’en disent les techniciens locaux dont je sais que dès le début ils n’ont pas apprécié notre système de sonorisation qui, par son caractère original et singulier, les faisait nécessairement sortir hors de leurs petites habitudes de travail sclérosées, tout s’était excellemment bien passé avec l’équipe de la Scène Bastille 15 jours plus tôt dont les membres s’en étaient très bien sortis là où ceux du Nouveau Casino ont fait si mal, et avec lesquels notre façon de faire du son n’a posé absolument aucun problème là où, avec le responsable son du Nouveau Casino, cela a été si pénible. Et ce qui s’est passé avec la scène Bastille est représentatif de toutes les salles et de toutes les équipes son qui nous ont reçus (et très bien accueillis) jusqu’à présent sous cette configuration, même dans le stress du manque de temps.

Quand on a fait de la prestation en sonorisation comme je l’ai fait jusqu’à il y a peu, on appelle cela une faute professionnelle et du n’importe quoi. Si l’un de mes patrons de l’époque m’avait vu me comporter comme cela à l’égard des gens que j’accueillais, il m’aurait tout simplement dégagé et montré la direction de l’ANPE spectacle. Même en tant que première partie, j’aurais dû plus faire valoir nos droits et je l’aurais fait si j’avais su à temps l’ampleur du désastre. A noter que je ne parle absolument pas du staff de The Old Dead Tree ni même de la prod’ qui ont été adorables en tous points et auxquels nous n’avons absolument rien à reprocher concernant la façon dont ses membres se sont comportés à notre égard, bien au contraire. Je suis désolé de m’étaler de la sorte sur ces questions qui pourraient sembler ne concerner que leurs protagonistes – et je pense personnellement que les questions d’ordre privé doivent le rester – mais celles-ci ont eu un impact plus qu’important sur le résultat final qui, lui, loin de se cantonner à un cadre privé qui n’engage et ne regarde que nous, a pris une dimension publique devant 400 personnes, et il n’y a pas de raison pour que nous en portions aux yeux dudit public toute la responsabilité et tout le discrédit associés à notre seul nom sans qu’ils soient aussi portés à celui de la salle qui nous a « accueillis » (enfin, à l’équipe son de la salle, car en dehors de cela rien à redire, catering impeccable, ingé light très gentille, etc…).

Il est bon de savoir que le son d’un concert, qui est une chose qui se construit pas à pas, peut-être très mal construit et rendu très mauvais par les seules conditions dans lesquelles le groupe est reçu sur place et que samedi cela a été en partie le cas. Il est juste de reconnaître qu’au final notre ingé a planté le concert, qu’il y est arrivé mal en point, la tête dans les chaussettes, qu’il était perdu, qu’il n’a pas assuré, mais pour revenir à l’ingé local, quand on a en face de soi quelqu’un qui est perdu et en panique dans le stress de toutes les choses à faire en peu de temps, quoiqu’on pense du fait qu’il assure ou non, être professionnel, faire le taff pour lequel on est payé, c’est faire le maximum pour qu’il s’en sorte et pour parvenir à en tirer le meilleur afin que le concert se passe au mieux, pas lui plonger la tête dans sa boue et bien appuyer en en remettant trois couches pour être bien sûr qu’il n’en ressortira rien, tout en le pourrissant pour bien masquer sa propre incapacité à venir à bout de la tâche qui nous incombe. On a tous commencé dans le métier, lui le premier et on a tous eu besoin de quelqu’un pour nous aider à mener à bien nôtre tache au lieu de nous assassiner en nous faisant comprendre qu’on est lamentable d’avoir besoin de cette aide.

Toutes ces choses ont concouru à créer une situation extrêmement déstabilisatrice. Ajoutée à la différence de son au niveau de la table de mixage (au fond de la salle et en hauteur) par rapport au niveau du public – car il semblerait qu’en haut, de par une position qui semblait préservée de la présence des fréquences de résonance de la salle, il y avait beaucoup moins de ces fréquences basses qui ont rendu la batterie monstrueuse et qui ont couvert tout le reste, à commencer par la voix et les guitares –, l’ensemble de ces conditions a permis à toutes ces erreurs de mixage d’exister. Toujours est-il qu’au final notre ingé a planté le truc et nous en sommes désolés auprès du public. Mais des incompétences extérieures au groupe (et, bien pire encore, des mauvaises volontés affichées et assumées) ont brillé d’autre part pour concourir à cela. Apprendre à faire avec ce genre d’individus tels que j’en ai vu des dizaines dans les milieux du spectacle quand j’y travaillais (surtout chez les gens employés par les salles qui sont un peu les fonctionnaires ronchons et feignants du métier et qui, parce qu’ils ont leur place assurée, se croient tout permis et redevables de rien), ça fait aussi partie du professionnalisme à acquérir et nous reconnaissons que nous avons encore à apprendre à cet égard – enfin particulièrement en France où cela semble être une marque de fabrique et où un certain esprit français bien grognon, arrogant et médisant règne parfois en maître ; « You French people you always piss me off » disait l’ingé son d’un groupe important de métal à voix féminine lorsqu’il parlait de la façon dont il était accueilli par les équipes techniques locales dans nos scènes nationales. Je suis au regret de constater que sur le cas précis de cette date c’est une sentence qui se vérifie pleinement.

LE SON GLOBAL DU GROUPE PAR N ATURE INDEPENDEMMENT DE TOUTE AUTRE CONSIDERATION
L’UTILISATION DES MACHINES :

A cela, il est bon aussi d’ajouter une chose. Nous faisons une musique à la croisée entre plusieurs genres, principalement deux, le gothique et le métal – le plus gothique des groupes métal et le plus métal des groupes gothiques a-t-on coutume de dire de nous, c’est à dire nécessairement trop gothique pour certains fans de métal (les critiques des forums sont là pour nous en convaincre si nous ne l’étions pas) et trop métal pour certains fans de gothique. Cela a ses avantages et ses inconvénients en nombre égal, notamment celui, dans le cadre d’un concert purement métal, de ne pouvoir de toute façon satisfaire ceux qui viennent pour prendre dans la tête du gros riff bien direct, simple et efficace, sans artifice et bien en avant dans le mix. Dans nos choix artistiques de départ, il y a beaucoup d’effets de spatialisation sur les instruments qui font nécessairement perdre en présence et en clarté ce qu’on gagne en profondeur, beaucoup d’orchestrations en multicouches et les guitares ne sont qu’un élément mélodique ou rythmique parmi tant d’autres qui, contrairement à ce qui se passe dans la majorité des groupes métal où elles ont l’exclusivité en la matière, doivent grandement partager avec le reste de l’instrumentation. Les 3 guitares nous servent parfois à créer des textures sonores où les mélodies s’entrecroisent sans qu’aucune ne prenne le pas sur l’autre comme sur le reste – et dans ces moments-là il faut être capable de se laisser porter par le truc sans chercher forcément à tout comprendre ou à tout rationaliser et sans chercher nécessairement à tout contrôler de son écoute pour pouvoir apprécier. On a le droit de ne pas aimer mais ça reste un choix artistique pleinement légitime et profondément pertinent. Si on peut sanctionner sa singularité et son caractère inhabituel, il n’en demeure pas moins que cette singularité, nous la revendiquons comme une marque de fabrique et une partie de notre identité. Elle aura ses partisans comme ses détracteur tout aussi farouches les uns que les autres – les détracteurs semblant aimer s’exprimer en public tandis que les partisans ont l’air de préférer nous soutenir dans l’ombre et en coulisse à part de rares cas dont nous saluons avec d’autant plus de gratitude la témérité, l’intégrité et la loyauté –, mais dans tous les cas elle sera nôtre. La nouveauté et la singularité qui bouleversent les habitudes et les repères anciens ont toujours commencé par se faire jeter des cailloux et par faire railler les biens pensants et les détenteurs du bon goût, c’est aussi vieux que l’histoire de l’art et nous n’échapperons pas à la règle, nous nous contenterons de serrer les dents et de continuer à croire en ce que nous faisons, même si cela doit être envers et contre tout.

Notre musique est un foisonnement d’éléments, de mélodies, d’ambiances, l’effet musical recherché pourrait être comparé au niveau architectural à celui d’un vitrail, et une guitare n’est jamais qu’une couleur de ce vitrail, un élément composite de la mosaïques et certainement pas l’intégralité du dessin central, en bien gros et en monochrome. Cela rend cette musique d’autant plus difficile à mixer et d’autant plus exigeante en matière d’équilibre fréquentielle dans un lieu de concert donné, parce que le spectre est tellement plein et chargé que la plage de fréquences dans laquelle se situe l’intelligibilité de tout instrument est très fine et toute erreur ou tout déséquilibre peut avoir de grandes répercussions telles que la disparition complète d’un élément par exemple. Mais, aussi bien mixée que soit la musique et aussi parfaite que puisse être l’acoustique d’une salle ou l’équilibre fréquentiel d’un système de sonorisation, cette musique ne contentera jamais les fans de gros riff dans les dents bien en avant, car il faut savoir la prendre comme un tout, se laisser porter par le rendu de l’ensemble sans forcément chercher à savoir précisément ce que joue tel ou tel instrument, comme dans une masse orchestrale où il faut avoir une écoute globale sans forcément chercher à savoir ce que joue précisément le troisième violon et sans se dire non plus que c’est de la mauvaise musique parce qu’on ne l’entend pas distinctement et que le chef d’orchestre ou le compositeurs méritent les railleries pour autant.

Ceci explique aussi notre choix de venir sur scène avec toutes ces machines qui nous permettent de prémixer un maximum de choses chez nous, au calme, et de pré programmer à l’avance de manière très précise les fluctuations de volume et les déclenchements d’effets de chaque instrument (car chaque instrument et chaque source sonore commence par rentrer dans l’ordinateur et par y être traitée avant d’être renvoyée vers la console de façade). Théoriquement, ça permet d’importer tous les effets de production d’un album sur scène et de jouer dessus en temps réel. Tout ce que nous jouons est traité et mixé en temps réel par les machines et renvoyé sous forme de 4 prémix à la façade. Le procédé est tout nouveau, je ne connais aucun autre groupe qui se sonorise de cette façon, certains de mes anciens collègues de sonorisation, en le voyant, y trouvaient quelque chose de génial et de révolutionnaire bien que fort difficile à mettre en oeuvre, d’autres, comme l’ingé local qui nous a accueilli, y verront simplement une source de galère et quelque chose qui « ne se fait pas » (traduire dans leur langage « qui n’a jamais été fait donc qui n’a pas à être fait parce que ça dépasse le cadre de mes habitudes de travail et que je ne vais surtout pas me mettre à m’adapter et à continuer à apprendre des choses »), parce que ça les fera sortir de leurs petits moeurs sclérosés de petit fonctionnaires du son avec leur méthode bien rodée à laquelle il ne faut surtout rien changer et dont il n’est surtout pas question de sortir sinon ils ne savent plus où ils sont – et ceux-là crieront à l’hérésie.

Malheureusement pour eux, les hérétiques d’hier sont les initiateurs et les créateurs de nouvelles tendances et de nouvelles façons de faire de demain – et, parfois, les visionnaires d’après demain. Il est sûr que si personne n’avait eu à cœur de faire évoluer les choses en y insufflant de la nouveauté et des façons de procéder ou d’envisager qui n’ont pas été faites auparavant, quitte à se tromper parfois, à tâtonner, à chercher, à essayer, à raturer, et quitte aussi à faire glousser les imbéciles et à se faire jeter par les feignants, on en serait encore à faire de la musique monophonique et à parler en bas latin (ou, pire encore, à faire de la musique en tapant sur des pierres et en s’exprimant par des grognements). Que ceux qui ricanent bêtement (c’est à dire comme des bêtes et sans grande intelligence) de nos machineries sachent que des comme eux il y en a eu de tous temps et, il n’y a pas si longtemps que cela, lorsqu’un jour quelqu’un a mis par erreur une distorsion sur une guitare – erreur à laquelle on doit désormais les procédés de traitement du son qui font ce que l’on appelle le métal –, ils étaient les premiers à glousser aussi. Ils ont laissé à la postérité une piètre image à la petite mesure qui est la leur, ce qui n’est pas le cas des explorateurs du son qui ont fait évoluer la musique de tous temps quitte à subir les quolibets des sots et les railleries des ignorants.

Il est effectivement évident qu’il serait bien plus facile et plus rapide pour nous de nous sonoriser comme des dizaines de milliers de groupes l’ont fait avant nous selon une technique bien rodée par des dizaines d’années de pratique ; c’est comme aller sur une autoroute, c’est tout droit et tout goudronné il n’y qu’à filer. Nous, nous explorons de nouvelles voies, et pour cela nous devons y aller à la machette pour faire notre propre chemin en débroussaillant et, oui, il y a encore du travail (derrière nous il y en a déjà plusieurs années pour mettre le tout sur pied), oui tout cela n’est pas encore au point, oui nous sommes encore en recherche et en construction (bien que celles-ci soient largement suffisamment avancées pour mériter d’aller sur scène), mais oui il y a encore du chemin à faire, des choses à trouver, à peaufiner, des impasses à dépasser, pour répondre à ceux qui ricanent grassement et pas très finement du fait que tant de machines sur scène puissent aboutir à un son loin d’être parfait (encore faudrait-il par ailleurs que le résultat final ne soit dépendant que de nos machines or celles-ci, hélas, comme je l’expliquais, ne sont qu’une partie de la chaîne et il suffit qu’ailleurs ça n’aille pas pour qu’au final ça n’aille pas, vous voyez suffisamment de grands groupes qui sont de grosses machines de guerre et qui montent sur scène avec plusieurs milliers d’euros de matériel en finissant avec un son calamiteux pour pouvoir en être persuadés).

A cela je répondrai seulement que sur ce point comme sur d’autres, nous avons à cœur de tracer notre propre voie, aujourd’hui c’est encore une jungle dans laquelle on crée un chemin à la machette, demain ce sera peut-être une route et si l’idée est bonne comme nous le pensons, un jour ce sera une autoroute qui sera empruntée par d’autres et les fonctionnaires de la sonorisation seront bien obligés de se mettre au diapason. Ce jour-là, la réponse que nous aurons à apporter à ceux qui auront ricané de nous avoir vu trimer et nous débattre avec un rendu sonore parfois approximatif, c’est que l’autoroute en question elle portera notre nom et nous pourrons dire que nous l’aurons faite exister à la sueur de notre front. Nous abordons son élaboration avec l’humilité et la conscience très claire de nos limites et du chemin qui reste encore à parcourir tout autant qu’avec la volonté farouche, claire, assumée, prônée que certains nommeront prétention, vanité ou mégalomanie de dépasser ces limites et de venir à bout des obstacles par le travail, l’obstination, le dévouement à ce que nous faisons et l’acharnement dans la réalisation de ce que nous élaborons. Cela passe par le fait de monter sur scène pour éprouver ces réalisations, que ceux qui désirent en rire le fassent, ils en sont libre, mais qu’ils aient conscience de l’étroitesse d’esprit et de la petitesse qui est la leur lorsqu’ils le font, c’est ma liberté à moi de le leur rappeler. Qu’ils aient conscience aussi que si un jour nous réussissons – et j’en ai la très ferme intention –, ce jour-là, ce seront eux, les dindons de la farce.

LE SON DE LA BATTERIE

Enfin, en ce qui concerne le son de la batterie en lui-même (et pas sa place dans le mix), chacun est libre d’aimer ou de ne pas aimer mais ça reste une question de goût, pas un avis objectif sur sa qualité intrinsèque. Au soir du concert, quelqu’un nous écrivait sur myspace : « J’ai beaucoup aimé le son de la batterie électronique, ça donne un son « rond », et de ce fait, profond, qui se mêlait très bien avec le reste des instruments, ». Un fan devenu un ami me disait récemment qu’enfin nous avions une batterie qui sonnait Liturgy, qui était personnelle, qui ressemblait à la musique que l’on fait par ailleurs et qui n’était pas la simple batterie métal entendue mille fois partout, qu’elle était profonde, colossale et ample comme nos ambiances et pas sèche comme le métal moderne hyper direct et immédiat. Un autre me disait que son caractère très massif donnait à notre musique quelque chose de « wagnérien » (ce sont ses mots, pas les miens) qui la rendait plus belle et plus magistrale encore. Je persiste, donc, et je signe. Qualitativement et en matière de travail sur le son il n’y a rien à redire de la batterie, après subjectivement tout est affaire de goût et on est entièrement libre de ne pas aimer, notamment son côté un peu électronique – que je vais d’ailleurs me faire un plaisir d’accentuer dans les prochains temps pour y ajouter une touche industrielle qui, à coup sûr, ravira les traditionalistes du métal et autres garants du bon goût qui décident de ce qui se fait ou ne se fait pas en matière d’art.

Par ailleurs, il est certain que le son choisi est désormais dépourvu de tout naturel et de tout caractère acoustique. Mais ce qui me chiffonne dans l’attaque formulée à notre encontre à cet égard, c’est que la batterie métal traditionnelle elle-même est le résultat d’une production et d’un travail de déformation considérable du son naturel qui horrifierait les oreilles des puristes et autres amateurs du son acoustique de l’instrument. A ceux qui revendiquent l’exigence du naturel dans le son de la batterie, je conseillerai donc plutôt de se tourner vers un bon concert de jazz où le respect scrupuleux de ce naturel est une tradition (moyennant l’absence totale de ce caractère explosif et surpuissant des batteries métal), mais dans un genre musical où la quasi-totalité des batteries sont triggées en studio et de plus en plus en live (triggées, c’est à dire où le son naturel de chaque élément est remplacé par un sample (surproduit et artificiellement dénaturé)) même lorsqu’il y a bel et bien un homme derrière les fûts, j’admets qu’à mon sens, critiquer la pertinence du choix d’une batterie électronique au son électronique avec un batteur dessus (là où d’autre l’acclament, je le rappelle) m’apparaît en soi être une critique qui manque elle-même fondamentalement de pertinence au regard du cadre constitué du genre musical dans lequel elle s’inscrit – puisque les défenseurs du naturel (enfin, les détracteurs de notre anti-naturel pour être plus précis) sont probablement les premiers à se gorger, visiblement sans le savoir, de batteries totalement anti-naturelles par ailleurs. A ce niveau-là, on touche à une question de culture musicale et de connaissance de ce dont on parle. Là encore, comme je l’ai déjà dit, les hérésies d’aujourd’hui sont les normes et les maîtres étalons de demain, les ingés sons des grosses prod variété et rock qui riaient grassement des grosses caisses de la techno au début des années 90 furent les premiers à devoir tenter de les recréer dans la seconde moitié des 90’s quand leurs artistes variété qui étaient aussi leurs clients voulaient donner une touche moderne à leurs disques pour être plus dans leur temps. Par ailleurs, à ceux qui estiment qu’un son électronique n’a pas sa place en métal, je dirais que pour moi Passage de Samael demeure une référence personnelle absolue et sans égal, donc tout cela demeure une question de point de vue et chaque avis demeure pleinement légitime et recevable à partir du moment où il ne déborde pas du cadre se sa propre légitimité, à savoir celle de sa subjectivité, pour s’ériger en juge du bon goût.

LE DECOR ET LES COSTUMES :

En ce qui concerne les bougies dont on a critiqué l’utilisation, y compris non allumées (pour le faire encore faut-il l’autorisation de la salle ce qui n’est pas toujours le cas), elles font partie intégrante de notre visuel et de notre univers tout autant que les ordinateurs et les racks de périphériques. Que certains y voit un poncif et un cliché gothique au même titre qu’on pourrait le faire de l’utilisation de grandes orgues ou de clavecins dans une musique du genre ne change rien au fait que, pour nous, l’orgue est l’un des instruments de musique les plus profonds et les plus majestueux que l’Homme ait inventé et que les bougies sont des objets décoratifs qui confèrent par leur présence une spiritualité, quelque chose de cérémonial et un cachet sans pareil et inimitable qui, artistiquement, tape pile dans le type d’ambiances que nous cherchons à instaurer et le type de questions que nous cherchons à soulever. L’utilisation de tels éléments n’est pas moins un poncif du genre gothique que les cheveux longs, les sons de guitare saturés et l’emploi de la double grosse caisse ne sont des poncifs du genre métal, je trouverais personnellement douteux et bien peu pertinent d’exiger de tout groupe métal de passer désormais chez le coiffeur et de jouer en son clair et au Djembé à cause de cela (Manu, dis-moi que ça n’est pas à cause des chroniques assassines sur VS que tu t’es coupé les cheveux s’il te plaît… ).

Après c’est une question de style, on aime ou pas et chacun est libre de son goût, mais sanctionner le caractère stéréotypé d’une musique ou d’un genre sur la base de l’utilisation d’éléments en son sein au fondement même du genre n’a, de toute évidence, pas de sens car cela reviendrait à exiger d’une musique, pour qu’elle soit originale dans son style, de ne plus pratiquer son style. A cet égard, il est vrai que les Backstreet boys, pour du métal, c’est vraiment très original et ça casse les lois du genre, aucun doute là-dessus (absolument toutes les lois du genre), pas un seul cliché ne subsiste, mais personnellement, je préfère quand il y a un peu plus de guitares saturées et de double grosse caisse, aussi odieusement stéréotypé que cela puisse paraître pour du métal. Pareillement j’apprécie les groupes gothiques qui prennent une certaine souffrance au contact du monde comme point de départ de leur travail pour soulever des interrogations existentielles sur l’Homme, sur le monde et sur la question du sacré qui, dans nos sociétés, est nécessairement associée à un moment où l’autre à la notion de crucifixion – donc de croix.

A cet égard, oui, ce que nous faisons est profondément, durablement, ostensiblement gothique, au sens premier et originel du terme avec toutes les atmosphères que cela comporte et toutes les interrogations que cela suscite, nous l’assumons, nous le revendiquons, nous en sommes fiers, il n’est pas une seule parcelle de notre identité musicale ou visuelle qui n’en porte la marque et le cachet, et oui nous soulevons toutes ces questions, nous ne forçons personne à se les poser ni à apprécier leur mise en forme esthétique et symbolique, mais nous nous adressons à ceux qui se les posent – le plus souvent parce que l’expérience terrible de la vie au sein du monde des hommes ne leur laisse pas d’autre choix –, que les autres nous ignorent et se désintéressent de notre travail dont le propos ne leur parle pas, et oui cela passe par des visuels, des bougies, des grandes orgues et des croix sur le visage et comme symbole du groupe que l’on appose telle une signature sur tout ce que nous faisons, dont les observateurs attentifs que ne sont pas les ricanants pas très finauds auront noté que ça n’est pas qu’une croix mais aussi beaucoup plus que cela (une épée, un bijou, quelque chose qui suggère l’envol ou encore une fleur, par exemple, et ce « beaucoup plus que cela », quoiqu’en pensent les ricanants, c’est justement là que commence l’originalité et le fait de présenter une utilisation singulière, nouvelle et personnelle d’éléments issus du corpus d’un genre donné ; seulement, il est évident que pour prendre conscience de cela il faut arrêter de rire bêtement et prendre le temps de s’intéresser à son sujet pour être capable d’en parler en connaissance des choses et non en préjugés grossiers – ou, lorsqu’on n’a pas la connaissance parce qu’on n’a pas pris le temps et qu’on en a pas eu envie (et on peut avoir d’excellentes raisons à cela), de faire ce que la sagesse même commande, à savoir se taire. Mais on ne va pas demander aux ricanants de cesser d’avoir le jugement grossier, ce serait comme demander aux cochons de cesser de grogner).

Une musique où l’on ne retrouve pas les fondamentaux d’un certain genre mérite tout simplement d’être rangée dans un autre genre – et inversement, lorsqu’une musique est associée à un genre, on y retrouvera nécessairement un certain nombre de fondamentaux de ce genre. Pour revenir à nous, dire de la part d’un groupe « gothique » que son utilisation d’une certaine religiosité esthétique (bougies, croix) est déplacée et plus d’actualité, que cela relève du stéréotype, là encore ça manque fondamentalement de pertinence et de culture. C’est la gratuité de l’emploi qui crée le stéréotype, c’est à dire la façon dont on utilise un objet (esthétique, philosophique, etc…), et pas l’objet lui-même – mais pour savoir si l’emploi d’une chose est gratuit ou non, là encore, il faut faire l’effort de s’intéresser un minimum à son sujet – et quiconque a pris le temps de se pencher un tant soit peu sur notre univers s’est rendu compte qu’il y a peu de groupes du genre chez lesquels l’exploitation de cette religiosité est moins gratuite et plus douée de sens que chez nous. Nous revendiquons une réappropriation et une perpétuation d’un héritage culturel dans la droite lignée de l’esthétique gothique au sens fort, au sens plein, au sens profond, au sens premier et originel du terme, libre à ceux à qui ça ne parle pas d’être indifférents mais ça ne leur confère ni l’autorité ni la légitimité pour jeter le discrédit sur notre démarche – et je remercie, et je respecte, et je salue à cet égard ceux qui se contentent de dire « ça n’est pas mon truc ».

Au passage, à l’inverse des mots d’un des post qui ricanait de cela de la manière profonde, spirituelle et pénétrante d’intelligence avec laquelle il ricanait de tout le reste, nombreux sont ceux par le passé qui sont venus nous voir pour nous dire combien l’utilisation de ces éléments classiques de l’esthétique gothique résolument tournée par nature vers le passé (quoique les bougeoirs d’Eglise d’un mètre de haut sont bien moins répandus que ce que vous semblez croire), des éléments vieux de plusieurs siècles d’âge et qui rappellent par leur présence un passé séculaire, confrontés et mis en présence avec des éléments beaucoup plus modernes (machines et écrans d’ordinateurs) ancrant l’esthétique générale du groupe tout autant dans la technologie d’un temps très présent et résolument tourné vers le futur que dans la poussière nostalgique et dans la spiritualité des temps anciens, nombreux donc sont ceux qui nous ont dit que ce mariage-là qui nous était propre représentait précisément l’insufflation d’une originalité marquée et d’une approche profondément personnelle et novatrice du genre (et cela justifie pleinement que, même sans autorisation de les allumer, nous faisions figurer nos bougeoirs et nos chandeliers sur scène).

D’autres ont dit de même du fait que jamais une musique gothique n’avait été si profondément métal et que jamais une musique métal n’avait été si profondément gothique – ce qui fait de nous à ma connaissance le seul groupe qui puisse ouvrir pour Faith And The Muse et pour The Old Dead Tree à 15 jours d’intervalle. Je préfère personnellement m’en tenir à ces mots plutôt qu’aux destructions faciles et arbitraires qui, en prétendant fustiger les stéréotypes et les clichés d’un groupe, démontrent au fondement de leur logique de destruction – dont on sent bien par ailleurs que l’objectivité est moins le but recherché que le défouloir – une simplification des choses à de bons gros schémas de pensée pas très finauds symptômes eux-mêmes d’un grand simplisme. D’une manière générale, la convocation dans notre univers de tous ces éléments hétéroclites représente notre façon à nous, visuellement, de signifier que nous réactualisons dans un cadre très moderne des interrogations et des considérations très anciennes pour montrer qu’elles sont toujours vivaces – et le fait que certains ne se les posent pas ne signifie en rien qu’elles n’aient pas à être posées ou qu’elles soient déplacées –, qu’elles traversent les âges et qu’elles participent donc d’une certaine universalité ; autrement dit, qu’elles traitent de l’humain (comme le font à leur manière les membres de The Old Dead Tree), toute provenance confondue – et parler de cette humanité-là, traiter de cela est le propre d’un art qui n’est pas une pause, un pur divertissement ou un étalage impudique, égocentrique et autocentré.

LA PERTINENCE D’UN DISCOURS SUR LE PROCHE ORIENT ET SUR LA GUERRE A VENIR.

Venons-en à mon discours (lisible sur le blog de notre page myspace française à cette adresse : http://www.myspace.com/liturgyofdecayfrance ), dont je savais à l’avance qu’il serait sujet à polémique en ce qui concerne tout autant son contenu que sa place dans le concert. Le contenu tout d’abord : on m’a reproché en vrac mon alarmisme, mon « dogmatisme » (qui nécessite au préalable, pour exister, l’énonciation d’un dogme, je me demande bien à quel moment il en a été question dans mes mots mais passons), ma vue partisane, mon absence d’informations sur le sujet qu’on détiendrait par ailleurs en haut lieu, justifiant le recours à ce que, de mon côté, je dénonce. Concernant le fond de mon discours, je ne suis pas là pour ouvrir un débat politique mais pour défendre mon droit à la prise de parole qui a été la mienne et pour défendre la légitimité de cette prise de parole.

Que je parle d’une guerre imminente contre l’Iran qui aura pour effet d’enflammer définitivement et irrémédiablement tout le monde arabo-musulman (y compris celui de nos cités) contre l’Occident judéo-chrétien que nous incarnons, parce que le ressentiment issu des souffrances locales incommensurables perpétrées contre cette culture et contre ses populations depuis plus de 50 ans par nos politiques belliqueuses et colonialistes aura franchi un point de non retour, que je dise que cette guerre est déjà en cours de préparation, voulue pour des motifs très différents et bien plus bassement financiers que ceux avancés officiellement et portés de douces valeurs morales dont les puissants de ce monde n’ont généralement que faire, et que je prenne la parole pour engager à une prise de conscience à l’avance de ce qui est en train d’advenir afin de le refuser au moment où ce sera au peuple de se prononcer dessus, tout cela est apparu à certains foncièrement déplacé et en décalage avec la réalité de la situation, ôtant ainsi toute légitimité à l’énonciation de ce discours « pompeux et moralisateur » (ou quelque chose dans ce goût-là).

Le problème, c’est que le surlendemain même du concert, l’actualité n’a fait que tristement et sinistrement aller dans mon sens. Par une ironie du hasard, tandis que je créais un parallèle fort entre le flan en train d’être fait sur l’Iran et celui fait il y a peu sur l’Irak, créant aussi un parallèle entre le fiasco d’hier et celui de demain (à ceci prêt que le seconde sera infiniment plus dévastateur que le premier), ce lundi 22 octobre au matin, Le Monde, (source : http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0 ... 013,0.html )
à savoir l’un des journaux les plus crédibles de notre pays, parlait d’une nouvelle escalade verbale (sachant qu’en diplomatie où chaque mot est dûment pesé, une escalade verbale est une fumée derrière laquelle il est bon de sentir gronder le feu mauvais) à travers les propos du vice-président des USA Dick Cheney que l’on considère dans bien des domaines comme le véritable gouvernant dont Bush ne serait qu’un pantin et faisait ce commentaire : « « La terminologie employée par Dick Cheney rappelle celle qu'il avait utilisée avant la guerre en Irak. Ainsi, en 2002, il déclarait que Saddam Hussein devrait faire face à de "graves conséquences" s'il ne détruisait pas ses armes de destruction massive présumées, qui n'ont en fait jamais été trouvées. […]Ces propos ont été considérés comme une nouvelle escalade d'un discours nourrissant les craintes d'une guerre américaine contre l'Iran ».

On m’a, au passage, parlé d’hypothétiques informations détenues par ces chers messieurs le ministre des Affaires étrangères et le Président de la République pour justifier le recours çà un vocabulaire de plus en plus belliqueux afin de préparer les gens à la réalité d’une intervention militaire – tandis que moi, simple chanteur dans un groupe de métal gothique, avec ma méconnaissance de ces informations, je n’aurais qu’à me taire et à laisser faire. Dites-moi, chers détracteurs tellement au fait des réalités des grands de ce monde et si prodigues en distribution d’interdiction de parole, ces informations hautement confidentielles et si pures, si solides, si avérées au nom desquelles on voudrait me voir me taire, sont-elles du même type que les anciennes certitudes clamées avec tant de verve à la tribune des Nations Unies concernant possession par Saddam Hussein d’armes de destruction massives qui menaçaient le monde moderne et civilisé qu’est le nôtre, ou bien encore celles concernant le soutien de Saddam Hussein (dictateur laïque haï des islamistes) au terrorisme international et de ses liens avec Al Quaïda ?

En tout cas, il y a fort à parier que ces informations ne sont certainement pas détenues par Mohamed El-Baradeï, l’homme chargé par le droit international d’enquêter sur toutes ces questions et de rendre son rapport en tant que directeur général de l’AIEA (l’Agence Internationale de l’Energie Atomique, chargée précisément de la visite et du contrôle des installations nucléaires de par le monde ainsi que du respect des traités de non-prolifération de l’arme atomique). En effet, il y a quelques mois à peine, celui-ci déclarait (comme il l’avait fait, tiens donc, pour l’Irak) qu’absolument aucun élément ne permettait dans l’état actuel des choses de penser ni même de suspecter que l’Iran était en train de développer une technologie nucléaire à des fins militaires et qu’en l’absence de tout fondement à cette assertion il était nécessaire de stopper l’escalade aux sanctions et les rhétoriques guerrières à son encontre. Ce dimanche 28 octobre, toujours dans Le Monde (source : http://www.lemonde.fr/web/depeches/0,14 ... r=RSS-3208 ), on pouvait lire concernant son avis sur la question : « "Je crains que si l'escalade se poursuit des deux côtés nous ne finissions dans un précipice", a-t-il dit. « Les détracteurs du programme nucléaire iranien devraient "arrêter d'exagérer et de déformer le problème iranien car c'est un dossier qui pourrait provoquer une conflagration majeure, non seulement au plan régional mais au plan international", a-t-il dit sur la chaîne américaine d'information en continu ».

Toujours ce lundi 22 octobre, toujours 2 jours après mon odieux discours pleins de fantasmagories, Le Figaro quant à lui, qui n’est pas spécialement connu pour ses positions anti-sarkozystes, titrait ce même lundi : « Les Risques d’un guerre par malentendu entre les Etats-Unis et l’Iran s’accroissent ». On pouvait y lire :

« Force est de constater que, sur le dossier du nucléaire iranien, se dessine actuellement une seule ligne, qui est celle de la confrontation. Tout se passe comme si deux trains fous étaient lancés l'un contre l'autre sur la même voie de chemin de fer, sans que personne ne parvienne à les arrêter ou à les aiguiller sur une autre voie. Le conducteur du train Amérique s'appelle Dick Cheney (le vice-président néoconservateur qui orchestra la désastreuse attaque contre l'Irak de 2003) ; et celui du train Iran, Mahmoud Ahmadinejad (le très nationaliste et très religieux président de la République islamique). Les Anglo-Saxons ont un mot pour cela : collision course.[…] Pourquoi le train Amérique continue-t-il à filer droit vers la catastrophe (un bombardement de l'Iran, qui entraînerait immédiatement un embrasement de l'ensemble du golfe Persique, comme vient de le déclarer un général des pasdarans) ?[…] La guerre, fille du malentendu. La guerre, fille de la surenchère entre dirigeants ignorants et autistes. »
(source : http://www.lefigaro.fr/debats/20071022. ... ssent.html )

Tailler un chanteur de métal gothique qui s’exprime sur toutes ces questions d’un ton alarmant en tentant de discréditer son propos et ses parallèles abusifs ainsi que ses raccourcis issus d’une méconnaissance de son sujet, c’est une chose, c’est aisé et ça fait bien sur un forum, mais lorsque le lendemain même deux des plus grands journaux de ce pays d’obédiences politiques très diverses vont ouvertement, explicitement et unilatéralement dans le même sens, ça devient tout de suite beaucoup plus difficile de rester crédible en voulant jeter le discrédit sur ce propos tout en maintenant sa posture de ricanant et de sage, parce que les faits, irréductibles, de cette posture de sage, ils en font une posture de singe bien connue qui se bouche les oreilles et se cache les yeux, posture d’aveugle et de sourd à la conscience endormie et totalement déconnectée des réalités du monde qui l’entoure.

Messieurs mes détracteurs, messieurs les ricanants, êtes-vous donc à ce point aveugles et manipulables, êtes-vous donc à ce point la démonstration vivante et éclatante de la réalité du travail de propagande que je dénonçais pour que les parallèles absolument criants entre le fiasco d’Irak d’hier et celui l’Iran de demain ne vous sautent pas aux yeux au point que vous sembliez penser très sincèrement qu’on peut ricaner de mes propos tout en étant crédible dans les siens ? Parce que lorsque l’Iran, à savoir le pays qui passe dans tout le monde arabo-musulman pour le symbole de la résistance contre l’Occident arrogant et qui y fédère les ressentiments se voit dire par les Etats-Unis et l’Europe derrière – la France en tête – qu’il va se faire bombarder s’il continue, qu’il continue, que le lendemain la Russie qui est en business avec l’Iran dit via Poutine « une intervention militaire contre l’Iran c’est juste hors de question » et que le surlendemain le vice-président américain Dick Cheney dit « si, si, je vous assure », tandis que la Chine elle-même est aussi en business avec eux et ne verra probablement pas d’un bon œil la prise d’assaut des puits de pétrole iraniens dont elle a besoin pour accompagner le développement industriel conjoint à sa croissance à deux chiffres, quand on voit tout cela, donc, navré de froisser vos sensibilités et de passer pour l’épouvantail de servir, mais je trouve que ça ne prend pas le chemin du petit conflit régional qui ne paie pas de mines. Avez-vous donc besoin d’avoir Paris sous les bombes et que la mort vienne sonner à votre propre porte pour commencer à accepter que l’on vienne vous déranger (quelle indécence !) dans vos divertissements pour vous parler de l’empire grandissant de la mort et du chaos dans le monde, auquel votre pays tente de vous faire participer ? Si tout cela n’est pas suffisant pour que vous estimiez qu’il règne dans l’air un parfum grandissant de poudre et de sang, je suis navré mais j’estime que vous avez le nez bouché, c’est votre droit le plus entier, de droit j’ai le même de ne pas l’avoir bouché et d’agir en conséquence et en accord avec cet état de fait.

Voilà déjà plusieurs années qu’en privé je soulève toutes ces questions en faisant toutes les mises en garde requises et qu’on sourie gentiment de mes frasques en réponse – et même si c’est avec affection, on sourit quand même. Le problème est que la réalité commence véritablement à ressembler tragiquement à mes élucubrations prophétiques de chanteur de métal gothique excessif en mal de visions apocalyptiques. Voilà des années que je tire les sonnettes d’alarme à qui veut les entendre, dans des interventions fleuves et le plus souvent non lues sur d’obscurs forums où l’on me rétorque le droit à venir se divertir sans être dérangés par mes grands délires. Vous n’êtes pas les premiers à me tailler ni à me railler, vous ne serez pas les derniers, mais ce que je sais, à mon plus grand malheur – car je préfèrerais infiniment que vous ayez raison sur moi, mais c’est hélas l’inverse qui se produit sous nos yeux et dans nos journaux –, c’est qu’avec le temps les rires s’estomperont, les orgueils démesurés et les vanités sarcastiques se dégonfleront comme des ballons de baudruche parce que la réalité sinistre du monde les aura rattrapées pour les crever de son aiguillon terrible et de sa morsure amère. Ce jour-là, je serai de ceux qui pourront dire que j’aurais fait tout ce qui était en mon petit pouvoir – que j’ai la prétention de voir grandissant – pour faire en sorte que tout cela n’advienne pas, et de votre côté vous pourrez partir à la pêche aux bonnes excuses et autres caches misère pour mauvaises conscience en mal de lavage clé en main d’avoir ri très fort à un moment où le chaos derrière vous se mettait à gronder très fort, et d’avoir voulu faire taire dans un sarcasme mauvais ceux qui tentaient d’éveiller vos consciences engoncées dans l’arrogance et la légèreté militante du divertissement – ce que dans un autre discours prononcé 15 jours plus tôt j’appelais « le sommeil des bêtes qui paissent docilement ». Libre à vous de ne pas voir dans tous ces signes criants la venue une seconde fois en bien plus terrible encore d’une chose dont la réalité nous a montré une première fois, il y a quelques années à peine, à quel point elle était tout simplement inadmissible, infecte, abjecte, immonde moralement répugnante – et à quel point tout le monde avait tout à y perdre à part les quelques puissants qui y gagnent des marchés juteux dans les domaines pétrolifères et l’instauration de régimes pro-occidentaux avec lesquels on peut faire du business (et tous ces avantages ne dureront qu’un temps, et l’addition tombera un jour ou l’autre, et elle sera salée au-delà de tout soupçon).

Au passage, comme le stipule mon discours, ça n’est pas moi qui ai parlé de 3e guerre mondiale mais Georges Bush, à savoir quelqu’un qui est juste l’homme le plus puissant en ce bas-monde et qui a démontré concrètement par les faits passés qu’il avait peu de scrupules à employer ces moyens. Mon discours se contentait simplement de dire que quand ces gens-là agitent ce genre de spectres terrifiants, ils ont ensuite un talent terrible pour les transformer en réalités concrètes. Libre à moi d’estimer que votre volonté de ne pas vous voir brusqués dans votre confort intellectuel et de ne surtout pas vous voir perturbés lors de vos divertissements et autres festivités ne pèse pas le centième du poids de la souffrance incommensurable dont je parle et que j’essaie à ma maigre petite mesure d’enrayer.

(partie 2 à suivre)
Dernière modification par LITURGY OF DECAY le mar. nov. 06, 2007 9:38 pm, modifié 1 fois.

LITURGY OF DECAY
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REPONSE DE LITURGY OF DECAY Part 2 (suite et fin)

Messagepar LITURGY OF DECAY » jeu. nov. 01, 2007 10:55 am

[Suite et fin du précédent message)


DE LA LEGITIMITE ET DE LA PERTINENCE D’UN DISCOURS POLEMIQUE SUR LE MONDE DANS UN CONCERT METAL – OU ENCORE, DE LA LEGITIMITE POUR UN GROUPE DONT LA SOUFFRANCE DU MONDE ET DE L’ETRE SONT AU CŒUR DU CONCEPT (ET DU NOM) DE PARLER… DE LA SOUFFRANCE DU MONDE

A la base et dans ses attributions premières, Liturgy Of Decay n’est pas un projet à visée politique, en tout cas pas au sens où on l’entend généralement, et le militantisme n’est pas de mise. Son propos a une portée existentielle et métaphysique qui dépasse le cadre des divergences de chapelle habituelles pour s’élever au-dessus de lui. Je vais être honnête, prendre la parole sur des sujets de société, c’est quelque chose que je n’aime pas vraiment faire, du moins pas dans ce cadre précis – et l’avenir nous verra créer un second projet parallèle entièrement dédié à cette prise de parole militante. Il y a 7 ans, je ne l’aurais probablement pas prise, cette parole, et j’aurais probablement estimé hors contexte une prise de position de cette nature et de cette envergure dans un concert de Liturgy. Seulement, il y a un certain stade, un certain degré dans la gravité des choses présentes et à venir qui fait que toute occasion est bonne à prendre pour tenter de faire changer le cours des évènements, parce qu’il y a urgence. Il est un stade où l’on n’est plus là à pouvoir faire la fine bouche pour savoir si c’est approprié ou non, si c’est le moment ou si un autre ne serait pas mieux choisi parce que c’est un luxe que le cours tragique des choses ne nous permet plus de nous payer – et c’est être dans l’illusion et dans la méconnaissance de ce cours des choses que de penser le contraire. Ce moment dépasse de très loin les querelles politiques et contrairement à ce que certains semblent croire je ne suis pas là pour dire que la gauche c’est bien et la droite c’est mal. Nicolas Sarkozy et Georges Bush ne m’intéressent pas en tant que représentants de partis mais en tant que personnes en place aux plus hautes instances décisionnaires qui usent de ce pouvoir d’une façon sinistre et terrifiante à un niveau humain qui aura une incidence sur le cours des choses et sur la souffrance du monde qui dépasse de très loin la question de l’âge de la retraite des fonctionnaires ou les réformes des institutions. En l’occurrence, on parle de guerre. On parle de morts. Et rien ne dit que l’on n’est pas en train de parler de la vôtre.

Ce stade de gravité-là, à mon sens, il a est déjà derrière nous, et il y a une limite au-delà de laquelle la course folle du réel nous rattrape et où ce qui me paraissait déplacé ou hors de propos hier me paraît aujourd’hui légitime et même nécessaire. On est dans un train qui fonce à 200 à l’heure dans un ravin et on continue à vouloir se divertir et prendre son petit plaisir, mais il faut se rendre compte que si on n’arrête pas 5 minutes de regarder le paysage parce qu’on trouve ça joli pour donner un coup de volant sévère, franc, brutal et radical, dans moins de 10 ans c’est le monde à feu et à sang – et mes détracteurs sont la démonstration éclatante que, hélas, selon toute vraisemblance, ça le sera. Si c’est le cas, ce jour-là, ce sera d’avoir osé dire à ceux qui tentaient de prévenir la catastrophe et de faire prendre conscience de tout cela qui apparaîtra comme un acte profondément déplacé. Ne pas s’en préoccuper ? Mais dites-vous bien que si vous ne voulez pas vous préoccuper de ces réalités, elles se chargeront de faire voler en éclat les frontières arbitraires et ténues de vos préoccupations sans vous demander votre avis, elles s’inviteront dans vos vies par la grande porte avec pertes et fracas en la défonçant. Nous ne sommes pas dans une situation où nous avons le choix entre, soit, nous en préoccuper et voir notre vie minée par tout cela, soit nous en désintéresser et ne pas être atteints par tout cela. Nous sommes des grenouilles dans une casserole en train de bouillir à petit feu – et les bulles commencent dangereusement à frétiller. Le fait de continuer à coasser sans se préoccuper de la montée extrêmement préoccupante de la température ambiante ne préviendra pas d’une brûlure qui frappera sans distinction.

Personnellement, j’estime nécessaire, urgentissime de dire « dites donc vous ne trouvez pas qu’il commence à faire sacrément chaud ici », et toutes les occasions sont bonnes à prendre. La question des gens qui meurent sous la faim ou sous les bombes n’est pas une question d’engagement politique, elle dépasse de très loin le cadre partisan et le militantisme pour parler à l’humain. Si la politique n’est pas le propos de Liturgy Of Decay, le devenir de l’humain, lui, ainsi que sa souffrance, sont à son cœur et en notre cœur. Aujourd’hui, j’estime que la situation ô combien préoccupante dans laquelle nous nous trouvons et l’état d’urgence qui la caractérise donnent du sens à une intervention qui hier n’en avait pas. Libre à moi d’avoir pris conscience – ou simplement de penser, à tort ou à raison – que cette urgence est une réalité, libre à vous de ne pas la voir – ou de penser à tort ou à raison qu’elle n’est qu’un fantasme. Les années à venir donneront raison à l’un d’entre nous, je souhaite de tout cœur que ce soit vous. J’ai l’intime certitude que ce sera moi.

Par ailleurs, estimer que ces considérations n’ont pas leur place dans un concert de métal où l’on vient pour prendre du bon gros riff à 105 dB dans la tête en buvant de la bière avec les potes, c’est avoir une vision très restreinte du genre, et refuser à cette musique – comme le font ses détracteurs qui essaient de nous faire passer pour des bourrins sans cervelle, sans sensibilité et sans conscience des choses – d’incarner une forme d’art à part entière, au sens plein et véritable du terme, pour le limiter à un vulgaire divertissement comme l’est par exemple le Big Deal sur TF1 ou bien une bonne comédie américaine qui rote et qui pète ; ça remplit les samedis soirs, on s’y défoule, on rentre chez soi on est contents, on s’en est mis plein les tympans et plein l’estomac et on ne veut entendre parler de rien d’autre. Vos limites demeurent celles de vos choix et de vos perspectives, elles n’ont pas à se poser en maîtres étalons du genre, encore moins en dogme au regard duquel on peut distribuer les bons et les mauvais points de l’orthodoxie ou de l’hérésie.

Je rappelle à cet égard que le métal est (en tout cas mérite d’être) considéré comme de la musique à part entière au sens élevé et noble du terme (libre à vous de l’ennoblir ou de le rabaisser), et que la musique est elle-même considérée comme faisant partie intégrante de l’art, à savoir l’expression des émotions et de l’âme humaine avec ses emportements et ses déchirures, ses débordements de puissance et ses débordements de souffrance. Tout ce qui prend aux tripes et engage le cœur, l’affect, l’émoi y a sa place et peut en constituer la base et la matière première. Je rappelle donc aussi que la réceptivité des artistes à la souffrance du monde qui les entoure ainsi que leur engagement pour tenter à la mesure de leurs moyens de la faire cesser ou de l’enrayer est vieille comme l’histoire de l’art elle-même. Libre à vous de refuser cette dimension et cette profondeur-là au métal et d’en faire un genre musical sans propos, ou encore de voir une manifestation artistique comme étant une chose à but purement récréatif, divertissant et festif qui ne doit avoir d’autre fonction ni d’autre attribution que d’être plaisante comme le serait un bon restau ou une bonne tablette de chocolat ; libre à nous d’avoir une conception un peu plus élevée et un peu plus profonde de cela – et de revendiquer par les actes le droit à cette conception-là de la création.

Dans Liturgy, nous n’avons pas qu’une musique à promouvoir mais aussi une façon d’être au monde. Le cœur et le moteur de l’art est une quête de la Beauté, notion elle-même liée à celle de l’harmonie (et une belle musique, c’est une série de fréquences sonores qui, physiquement et temporellement, s’harmonisent). Etre artiste, c’est donc promouvoir une certaine vision de la beauté. Pour nous, la beauté est une chose protéiforme, globale, un équilibre harmonieux que l’on retrouve dans tous les domaines de l’expression humaine, et comme il existe une beauté plastique, une beauté musicale, une beauté cinématographique, une beauté littéraire, il existe aussi une beauté morale, une beauté philosophique, une beauté relationnelle, et de la même façon qu’il existe de belles mélodies, de beaux textes, de belles images, de belles lumières et de belles couleurs, il existe aussi de belles pensées, de beaux sentiments qui unissent les êtres et de belles façon d’être au monde, dans son rapport à l’Autre, à la nature et à soi-même.

Lorsque je suis sur scène, je fais la promotion de notre vision à nous de la beauté, elle est aussi humaine. Et parce que le cœur de l’art est l’expression des émotions et de l’âme humaine et parce qu’être artiste, c’est avoir un cœur qui bat très fort à l’unisson avec ce qui se passe ou en réaction à ce qui se passe au cours de sa propre expérience du monde – et le nôtre, quand il voit le monde d’aujourd’hui, il bat la chamade –, nous revendiquons une conception haute et pleine de la pratique de ce que nous faisons – aussi prétentieux ou pompeux que cela puisse paraître aux apôtres de la dictature de la festivité universelle et du divertissement général obligatoire –, à savoir de la musique mais aussi beaucoup plus que cela. Et aussi pompeux et prétentieux que cela puisse paraître, nous revendiquons le droit de penser qu’il est une beauté morale qui a tout autant le droit d’être exprimée qu’une beauté musicale, et nous revendiquons, lorsque nous sommes sur scène, le droit de donner corps à notre vision personnelle de celle-ci, qui n’engage que nous mais qui nous engage pleinement dans la plus profonde sincérité et qui, en ce sens, nous donne pleinement le droit de laisser libre cours à cet engagement. Nous reconnaissons tout aussi pleinement à ceux qui ne veulent pas nous suivre sur cette voie le droit de ne pas nous écouter et de ne pas s’ouvrir ce que nous avons à dire, que ce soit en musique, en images ou en mots. Le droit de ne pas nous suivre et bien différent du droit de vouloir nous faire taire – et celui-là, nous ne le reconnaissons à personne ; avoir acheté une place de concert, sachez-le, ne le donne absolument pas.

J’admets que lorsque je lis des réactions à mon discours du type « on n’est pas venu pour entendre ça mais pour s’amuser et ça n’a pas sa place dans un concert », ça me fait penser à l’ancienne aristocratie française qui ne supportait absolument pas qu’on lui parle de la souffrance du peuple là-bas dehors alors qu’elle voulait se divertir, et qui trouvait cela insupportable qu’on lui soumette l’idée au cours de ses amusements que le peuple en question pouvait avoir besoin de la farine avec laquelle elle se poudrait le nez pour avoir du pain à manger. Malheureusement, ces gens-là ont fini avec la tête pendue au bout d’une fourche ce qui, bien évidemment, est injustifiable, abject et intolérable, mais, malheureusement, ça n’est pas venu de nulle part et cela demeure la démonstration claire et limpide du fait qu’on ne reste pas sourd et muet face à la souffrance du monde qui nous entoure impunément. Faites la taire pour pouvoir dormir en paix et vous la verrez hurler dans un chaos strident qui vous déchirera les oreilles et vous ôtera tout sommeil – parce qu’il faut que vous l’entendiez. Lorsqu’on ne sait pas l’entendre ni en panser les plaies en temps et en heures parce qu’on a bien mieux à faire (s’amuser et se divertir avec de la « bonne musique » sans entendre parler de ce qui se passe dehors, par exemple), et lorsqu’on lui refuse une place dans nos préoccupations et dans nos vies à la mesure de l’urgence dans laquelle elle se trouve (et aujourd’hui, elle est gigantesque), cette souffrance a la tendance aussi fâcheuse que systématique – l’Histoire en est une démonstration à répétition – à se muer en quelque chose de mauvais, de haineux, quelque chose qui s’invite sans qu’on lui en ait donné la permission dans nos vies qu’on aura bien pris soin de lui fermer, mais qui s’invite néanmoins avec pertes et fracas, et qui enfonce la porte qu’on lui a présentée close avant de tout brûler à l’intérieur. En ce sens, que vous soyez irrités de mes propos lorsque je prends la parole sur scène ne décrédibilise en rien ma démarche, bien au contraire ; cela représente une démonstration éclatante de son caractère nécessaire et de son urgence quant au fait qu’il est vraiment important et vraiment temps que ceux qui voient un peu clair dans le chaos terrible à venir cessent de se taire pour des convenances croupies d’âmes endormies, c’est à dire par peur de déranger les bonnes conscience engourdies et ankylosées dans les vapeurs doucereuses de leur confort matériel et intellectuel – dans l’inertie adipeuse de leur obésité matérielle et intellectuelle.

Alors, parce qu’on vit dans un monde où le simple fait de rester humain c’est nécessairement se mettre en porte-à-faux, consciemment ou non, des politiques pratiquées, sans même nécessairement avoir envie de faire de la politique et sans forcément nourrir de passion militante, parce qu’on vit dans un monde où la conscience de ce qui se passe et de la déréliction globale des choses qui nous entourent pousse des artistes pas nécessairement engagés à la base à s’engager quand même, simplement parce que faire la promotion d’une certaine forme élevée d’humanité fait partie intégrante de la beauté qu’ils ont à promouvoir, parce qu’on vit dans un monde empli d’une souffrance incommensurable qui, personnellement me retourne les tripes et me scandalise à un degré infini, j’estime que mes mots ont à le fois le droit et le devoir d’être dits. Libre aux tripes de mes détracteurs d’être en paix avec cela et de ne pas s’en retrouver retournées. Libre aux miennes de ne pas le faire. J’ai, pour mériter cet accès à l’expression publique de ce que j’ai dans les tripes – que ce soit de la musique ou un message de nature politique – des années d’un dévouement sans relâche à ma tâche.

Vous ne l’entendez donc pas le grondement sourd et haineux de la souffrance incommensurable des miséreux d’ici ou d’ailleurs, le chavirement grandissant du monde arabo-musulman dans le ressentiment à notre égard, la rue prête à exploser pour peu qu’on y mette l’étincelle qu’il faut ? Vous ne la sentez pas, l’urgence de faire quelque chose, d’arrêter de se laisser porter par le courant qui file tout droit vers un précipice et de se regarder le nombril ? La France d’aujourd’hui me fait parfois penser à l’Amérique d’hier qui manipulait les concepts de guerre avec une aisance dont elle seule avait le secret (mais la France s’américanise à vue d’œil), comme si elle jonglait avec de petites balles légères et sans conséquences – et il a fallu, comme toujours, qu’elle commence à voir revenir les corbillards de ses boys et à pleurer ses fils ou ses frères pour commencer aussi à se rappeler que la guerre, ah oui tiens c’est vrai dis donc, c’est aussi le malheur. Ils ont eu besoin d’être touchés dans leur vie et dans leur chair par le cours terrifiant des choses de ce monde pour commencer à avoir envie d’arrêter de faire n’importe quoi avec et de se laisser manipuler comme les derniers des moutons – et le chemin est encore grand. Aujourd’hui la France de mes détracteurs semblent être dans la position de cette Amérique d’hier et il lui faudra probablement y passer elle aussi pour commencer à se rappeler ces évidences que la culture (et le divertissement, tiens donc…) ont évidé de leur substance pour en faire des réalités intellectuellement aisément manipulables dans des réflexions totalement déconnectées des réalités qui ne manquent pas, une fois le pas franchi, de se rappeler à notre bon souvenir.

En attendant, pendant qu’il vous faut votre petit malheur pour recommencer à comprendre deux trois choses essentielles à la non destruction du monde et de la vie, de l’autre côté, vos escapades de compréhension et vos nécessités de vous faire rappeler la réalité cruelles des choses par le feu et par le sang, elles coûtent la modique somme de 700 000 morts pour la plus récente et moi quand je vois ça, quand je vois les rues de Ramallah en Palestine, quand je vois ce que notre Occident qui lui, pour le coup, est effectivement très pompeux et moralisateur, se permet d’aller faire là-bas depuis des dizaines d’années et que ça ne choque personne parce qu’au premier mensonge qu’on vous sert tout le monde est content et applaudit bêtement tandis que là-bas les charniers poussent sur l’herbe pourrie de nos bonnes consciences immaculées et totalement sourdes à l’horreur gigantesque de cette putain de réalité qu’est la guerre, avec laquelle on jongle ici si prestement, quand je vois la quantité absolument incommensurable de souffrance qu’il engendre, notre Occident arrogant et si plein de belles leçons à donner par le glaive et par les bombes (mais les bombes officielles, larguées avec le petit costume tout vert de beau militaire civilisé, ça va ça n’est donc pas du bouh méchant terrorisme barbare, c’est juste la dure réalité de la vie), sous le regard complaisant et endormis des peuples en mal de divertissements (et sans mention de la souffrance du monde pour venir gâter son plaisir, s’il vous plaît), quand j’assiste à tout cela, ça me retourne les tripes, ça m’émeut aux larmes, ça me fait enrager.

Mes mots n’ont pas leur place sur une estrade ni dans une tribune libre, dites-vous ? Que ceux qui accordent dans leur vie la place qu’on lui doit par ailleurs, à cette souffrance, à cette urgence, que ceux qui font exister ces réalités au cœur de leur vie et en leur coeur chaque jour me jètent la première pierre et que les autres se taisent – ou alors assument de se voir ici jeter au visage l’immondice et l’indécence de leur indifférence. Etrangement, ceux qui ont conscience de tout cela, ils ne viennent pas me reprocher quoi que ce soit mais, au contraire, ont l’attitude rigoureusement inverse – précisément parce qu’ils sont en paix avec leur place face à tout cela tandis que la virulence de vos reproches n’est, au fond, que le reflet de la désagréable sensation que provoque en vous l’émergence d’un sentiment de culpabilité à travers la révélation par mes mots et de vos consciences mal lavées ; il faut donc absolument que j’aie tort et que je me taise, car si j’ai raison de dire tout cela, c’est qu’il n’y a pas cher à donner, sur ces points précis, de votre humanité.

Alors je suis navré, mais que certains trouvent cela insupportablement moralisateur et grandiloquent je n’en ai que faire. J’ai des critiques équivalentes à faire aux sourds et aux amputés de l’empathie – l’empathie, cette capacité à se mettre à la place de l’autre et à comprendre par l’intellect, à endurer par l’intellect, la réalité de ce qu’il ressent et de ce qu’il vit (ce sentiment faisant, entre autres choses, partie de ce qui nous définit dans notre humanité et de ce qui fait de nous autre chose que des bêtes). Une jeune rappeuse très militante que je porte particulièrement haut dans mon cœur et dans mon estime (oui, une jeune rappeuse), Keny Arkana, qui est sur le point de faire un mini-album dont le concept central est la désobéissance, disait il y a peu en interview « le premier devoir de désobéissance dans le monde actuel, c’est celui de rester humain », sous-entendant que la société qui est la nôtre, par ses petites conventions, ses us et coutumes, ses conceptions de ce qu’il est bon de faire ou de ne pas faire, nous déshumanise et fait de nous des bêtes.

Tenir mes discours pour éveiller les consciences dans des cadres où, à l’image de l’industrie de la culture qui nous abrutit pour mieux nous contrôler, on attend du divertissement et du plaisir, et rien de plus, c’est ma façon à moi de désobéir à cette loi implicite qui dit de ne surtout pas venir embêter le confort intellectuel des bien-pensants avec le malheur du monde, et, en cela, c’est ma façon à moi de rester humain. Libre à chacun d’estimer que c’est déplacé. Libre à moi d’estimer que le fait de me dire que c’est déplacé et se fermer au contenu de ces discours, c’est participer (souvent même sans en avoir conscience, et c’est en cela que j’estime qu’il ne faille pas jeter la pierre) à une déshumanisation grandissante et à la barbarie insidieuse qui l’accompagne. Si vous ne supportez pas mes leçons de morale, j’en ai autant à l’égard de votre apathie et votre indifférence meurtrière.

Ainsi, libre à moi de penser et d’affirmer par les actes que la souffrance du monde n’a pas à demander son autorisation pour s’inviter aux festivités des conforts bien pensants et dans quelques années croyez-moi sur parole, elle ne vous demandera pas votre autorisation pour venir le froisser et l’écorner, votre petit confort et votre petit bien-être si celui-ci n’est pas parvenu à temps et pendant qu’il était encore temps à s’intéresser à son inconfort et à son mal-être. Cette souffrance doit être dite, doit être regardée, doit être vue, doit être entendue, que ça vous plaise ou non – et elle le sera, que cela vous plaise ou non, dans la compréhension et le dialogue aujourd’hui ou dans le partage du sang et des larmes demain. Le chaos à venir doit être dit, et l’on doit mettre tout en œuvre pour l’empêcher, parce que, visiblement, vous avez oublié ce que c’était que la guerre, parce que la voir dans toute son irrépressible horreur dans vos livres d’Histoire et dans des reportages TV ça ne vous a pas suffi à estimer légitime de vous sortir de vos petites habitudes égocentrées et endormies.

Cela peut apparaître comme un odieux poncif que de dire que la guerre est une réalité absolument abominable, mais si c’était si évident que ça pour tout le monde on n’en serait pas là où on en est – et on ne me ferait pas les reproches qu’on me fait. Allez donc dire aux 700 000 mères irakiennes qui pleurent leurs fils et filles tués pour une putain de rhétorique mensongère sur des armes qui n’ont jamais existées que vous continuez encore et toujours de gober bien gentiment quand c’est votre hyper président qui vous la sert, une rhétorique qui a vu ses opposants à l’époque se prendre les mêmes cailloux que ceux qui accompagnent aujourd’hui mes prises de position, allez donc leur dire qu’être contre le sort tragique qui s’est abattu sur leur pays et sur leurs enfants est un poncif redondant et que c’est lourd de se l’entendre dire sempiternellement, que vous avez autre chose à faire pendant vos chers concert de métal que d‘entendre parler de cela. Vous pourrez alors juger de l’irrecevabilité et l’indécence (l’euphémisme est doux) de tels propos à l’aulne de l’indignation que vous susciterez (et je pense qu’elle seraient gentilles de se contenter de n’être qu’indignées). C’est peut-être un poncif odieusement et caricaturalement anti-Bush que de dire que les Etats-Unis ont envoyé à la morgue 700 000 innocents sur la base d’un gigantesque putain de mensonge concernant des armes de destruction massives totalement fantasmagoriques derrière lesquelles se cachaient en fait la simple volonté de mettre en place un régime avec lequel on allait pouvoir se mettre à faire du business puant sur les charniers encore fumants. En attendant, ce mensonge on est en train de nous le resservir alors qu’il est encore chaud et visiblement ça ne choque personne – pire, c’est que je sois en train de le dénoncer qui choque

Moi le sort de ces gens-là, ceux qui souffrent, dans nos métros, dans nos banlieues ou de l’autre côté de la Méditerranée, je le porte dans les tripes, et tenir ces discours-là, c’est ma façon à moi d’être sincère, c’est ma façon à moi d’être vrai, c’est ma façon à moi de me battre pour ce que je crois vrai et juste – pour ce que je sais intimement être vrai et juste. C’est ce que j’ai de plus authentique à proposer et je vois difficilement comment on pourrait me le reprocher. Moi, quand je vois le chaos qui règne là-bas, quand je vois qu’en Palestine les hôpitaux cessent désormais d’opérer par manque d’anesthésiant, quand je vois les rues de Ramallah dévastées où règne une misère telle que la plupart d’entre vous n’en ont jamais vue, quand je vois dans le documentaire de Michael Moore une mère de famille irakienne hurler à s’en déchirer les cordes vocales et à s’en lacérer les chairs et pleurer toutes les larmes de son corps et toute la détresse de son âme sur la mort de son enfant en appelant à la vengeance d’une justice divine par dégoût et par haine de l’injustice des hommes, et quand je vois qu’on est prêts à remettre le couvert une fois de plus et que tout le monde s’en fout et qu’on me rie au nez lorsque j’en parle en me priant de me taire parce qu’on est là pour entendre de la musique, et quand je lis les chiffres derrière lesquels il y a des monceaux de morts, quand je vois ça, moi, j’enrage, j’en ai les larmes qui montent aux yeux, j’ai le sang qui bout dans mes veines et qui me brûle intérieurement, j’en ai les nerfs qui s’exaspèrent et les mains qui se crispent d’indignation, de révolte et d’abjection, parce qu’elle me tord les boyaux, cette souffrance terrible, incommensurable, grandissante, et à ceux qui trouveraient quelque chose à redire à cela, je n’ai qu’une seule chose à répondre : moi, au moins, je suis en Vie. En VIE ! Profondément, durablement en Vie ! Envers et contre tous, envers et contre tout s’il le faut. Et que tous les ricanants qui voudraient me faire taire le sachent, j’emmerde souverainement, aristocratiquement votre putain d’apathie de bêtes serviles à qui TF1 envoie de la décérébration de masse en intraveineuses en leur foutant du divertissement et de la peur jusqu’au vertige et jusqu’à la nausée tout en leur servant de la mort au JT sur le même ton que celui avec lequel on parle du Beaujolais Nouveau comme si c’était du même calibre, et qui consomment docilement pendant qu’on met le monde à feu et à sang sous leurs yeux obscurcis et repus de consumérisme décérébré et pendant qu’on fait empester l’air d’un irrépressible parfum de mort sous leur nez qui ne sent plus rien parce qu’ils ont oublié jusqu’au fondement même de ce qui fait leur humanité. Et j’emmerde ces putains de convenances qui voudraient me voir me taire et je n’en ai rien à foutre de ne pas coller à leur cadre étriqué comme nos perspectives égocentrées pour la fermeture desquelles je n’ai que mépris, j’en fais même une fierté et le fondement de ma dignité, et je n’en ai rien à foutre de faire ricaner les uns et d’ennuyer les autres à cause de cela, je ne donne pas 10 ans au tribunal de la vie devant lequel nous auront tous à rendre compte de notre passivité face à l’empire grandissant de la mort pour donner raison à mes choix de vie et tort à ceux qui les conspuent. Et aussi longtemps que l’on continuera cette course éperdue et effrénée vers le pire dans un gigantesque n’importe quoi à la sortie duquel on trouvera un gigantesque chaos, moi et mon groupe serons de ceux qui bousculeront les petits conforts personnels et les consciences endormies en mal de divertissement pour faire prendre la mesure de l’imminence du chaos en gestation – et bientôt en action.

Parce que toutes ces souffrances dont je parle – et qui bientôt seront aussi les vôtres –, avez-vous bien conscience que c’est à elles que vous osez opposer le confort de vos petits divertissements et de vos petites festivités qu’il ne faut surtout pas entacher de la mention de toutes ces larmes ? Quel est donc le poids des distractions de jeunes occidentaux qui, anesthésiés, le sont pour le coup bien trop, et qui veulent surtout ne pas se voir dérangés dans leurs certitudes et dans leur apathie ? Ma réponse à moi est : il est insignifiant et toute confrontation des ces deux éléments (le silence commandé par votre confort intellectuel et la prise de position alliée à la révélation commandée par leur souffrance) à la balance de mes valeurs personnelles ne me laisse pas d’autre choix que de sanctionner le caractère profondément indécent à mes yeux du fait d’oser mettre la légèreté de vos considérations frivoles à la table de sujet si lourds de tragédies et dans une telle situation d’urgence d’action, de réaction et de prise de conscience par le monde qui va bien du monde qui va mal et qui souffre à côté de lui – et, bien pire encore, qui souffre PAR lui et par ses choix de vote inconséquents et meurtriers qui, là-bas, se chiffrent en centaines de milliers de morts.

Tout choix est le résultat d’une pesée entre plusieurs éléments qu’on met dans une balance, et on prend la décision correspondant à celui qui a le plus de poids à nos yeux et au regard des valeurs qui nous définissent en tant qu’être humain – et la question de ce qui pèse le plus de poids, à mes yeux, elle est vite réglée. Tous nos actes, même les plus insignifiants apparemment, sont des bulletins de vote qu’on met dans l’urne de la vie, et à travers ces actes on passe son temps à voter pour un monde plus beau ou pour un monde plus laid. Le jour où l’on est devant 400 personnes et que l’on a la possibilité de prendre la parole, on fait non seulement son propre acte de vote, mais en plus on a l’occasion potentielle d’influer sur 400 autres votes, et cette même influence pourra se répercuter elle aussi sur d’autres encore, ultérieurement. Alors même s’il n’y en a que 10 sur ces 400 que j’ai réussi à faire prendre conscience de choses en les poussant à soulever des interrogations, à questionner ce qu’ils ont appris à tenir pour vrai ainsi que le monde dans lequel ils vivent au lieu de le consommer bêtement (c’est à dire comme des bêtes repues), cela valait la peine, quoi qu’en disent les 390 qui trouvent que j’exagère et que ça n’a rien à faire là. S’il y en a 10 qui m’ont entendu (et dans les faits, il y en a une belle majorité, c’est à dire bien plus), alors ces mots avaient le droit et le devoir d’être prononcés à ce moment-là et en ces lieux-là. Du fond du cœur, merci à ceux qui m’ont entendu hier et qui comprennent le feu ardent de mes emportements aujourd’hui.

Quant à la remarque estimant qu’en tant que petit groupe, il est déplacé de prendre la parole et de venir donner des leçons, j’admets qu’elle est mue par une logique qui me dépasse complètement. Est-ce qu’il faut avoir acquis un certain poids commercial sur une scène musicale pour pouvoir commencer à avoir le droit de se soucier de la souffrance du monde, est-ce qu’il faut que l’écrasante majorité des gens présents dans une salle de concert soit venue pour soi et se trouve acquise à sa cause et pendue à ses lèvres pour se voir reconnaître le droit de tenter d’éveiller leur conscience de la réalité d’un monde qui meurt là-bas dehors ? Le raisonnement qui sous-tend cette affirmation n’a tout simplement aucun sens ni aucune recevabilité à mes yeux. Je préfère m’en tenir à l’idée que toute bonne idée est bonne à prendre – donc à être exprimée – et qu’on n’a pas à demander un CV à celui qui la professe pour donner à cette idée le droit à cette expression, pas plus que pour lui ouvrir le droit à sa propre réception et à sa propre acceptation de son propos. La question est de savoir si ce que j’ai dit était pertinent, pas de savoir si celui qui le disait avait suffisamment de galons et de trophées sur son veston pour se voir reconnaître le droit de le faire. Oui, nous sommes tout petits et je n’en ai que faire, parce que les réalités que je pointe du doigt et dont j’essaie de faire prendre conscience, elles, ne le sont pas, les extraits de journaux de ce lundi matin en sont la démonstration éclatante et incontournable.

Par ailleurs, dire que ces mots et que nous-mêmes n’avions pas notre place dans cette soirée, ce serait oublier et occulter les applaudissement massifs et probablement majoritaires qui ont accueilli tout autant les propos qui furent les miens que l’intégralité de notre prestation, pour ne s’en tenir qu’à votre propre ressenti personnel et subjectif, afin d’en tirer une conclusion générale que personne n’est en droit de formuler. Ce serait occulter que depuis que j’ai commencé à prendre la parole sur des phénomènes de société et que je me fais caillasser sur les forums publics, dans l’ombre de la messagerie myspace ou en direct après nos concerts, je reçois des soutiens à ce que je fais dans une mesure similaire. Que certains d’entre vous estiment que mon discours et que nous-même n’étions pas à notre place, c’est un avis qui vous engage et dont vous êtes pleinement libres, mais ça reste un avis sur 400. Que vous le partagiez avec d’autres ne justifie ni que vous en fassiez une parole d’évangile, ni que vous estimiez que cet avis doive outrepasser la place qui est la sienne. Que vos live reports sanctionnent une vision on ne peut plus critique de notre prestation (et s’ils restent à leur place d’avis subjectif et personnel, ça ne me pose aucun problème) ne changera rien aux mots strictement inverses aux vôtres que certains sont venus nous dire après le concert en direct ou par mail ni à la recrudescence de visites de notre page myspace dans les quelques jours qui ont suivi le concert ; autant de preuves tangibles, concrètes et avérées de l’existence d’une réceptivité véritablement favorable et positive (donc strictement opposée à la vôtre) à notre prestation.

CONCLUSION GENERALE :

Alors tenez-vous le pour dit et sachez-le parce que vous n’avez pas fini d’en entendre parler, il y a sur Paris un petit groupe parisien de métal gothique nommé Liturgy Of Decay qui fait une musique très chargée et très complexe à faire sonner, surtout en live, où les riffs qui décoiffent mis bien avant ne sont pas le propos et se voient substituer le tissage d’une atmosphère sonore faite d’un foisonnement et d’un entrelacement de textures et de mélodies, où les ambiances et les plages de synthé ont autant de place et d’importance que les guitares, et dont le chanteur est un illuminé notoire, mégalo, pompeux, moralisateur, grandiloquent, dérangeant, exaspérant aux yeux de certains, qui aspire à travers l’art à une quête de grandeur allant bien- au-delà du simple divertissement, et qui estime que cette grandeur elle est aussi morale, que c’est aussi celle de l’âme humaine et celle du cœur humain, un chanteur qui monte sur scène avec le visage plein de croix, qui passe son set, pour les uns, à donner ses tripes et tout ce qu’il peut trouver en son cœur de passion et de ferveur, pour les autres à s’agiter en faisant ricaner et glousser les sots de fond de salle et les irrespectueux du travail d’autrui qui se croient tout permis en pensant qu’en achetant une place de concert ils achètent aussi le droit de s’y comporter n’importe comment, et qui conclut son set par un speech qui casse l’ambiance festive que de toute façon la musique n’a jamais instaurée (et pour cause, c’est du gothique c’est écrit dessus il n’y a pas de surprise, ça parle de l’être humain en souffrance, c’est aussi écrit dessus), un speech misérophile, arabophile dans un milieu arabophobe, un speech qui, d’une manière générale, parce qu’il s’inscrit dans un projet musical dont le traitement et la gestion de la souffrance de l’existence en ce bas monde représentent le cœur, va parler de tout ce qui, en ce bas monde, souffre, parce que ce monde est en train de foncer droit dans un ravin abyssal et d’ouvrir grand les bras à un gigantesque chaos et que ledit chanteur estime que c’est non seulement son droit mais aussi son devoir, à partir du moment où il la accès à la parole, que de la donner un petit peu aussi à l’existence bien trop souvent passée sous silence (précisément au nom du divertissement et d’un « on n’est pas là pour se prendre la tête ») de tout cela – et parce que, aussi prétentieux que cela puisse vous paraître, moi, oui, je me prends la tête et je le revendique. Que ceux à qui cela plaît m’écoutent et que les autres m’accordent leur indifférence ou leurs quolibets, du moment qu’ils ne portent pas atteinte à mon droit de faire valoir, dans le cadre d’un concert, la vérité de ce que nous croyons et le sens plein et entier de ce que nous faisons. Je ne fais que revendiquer pleinement et par les actes mon droit à donner corps sur scène à ce que j’estime être ce pour quoi je dédie depuis des années ma vie, à savoir de faire exister une forme de beauté dans le monde. Je n’exige de personne l’appréciation de ce que nous faisons, j’estime être en droit de demander le respect de ce que nous faisons. Ceux qui n’aiment pas – et ceux-là, rien ne les oblige à prêter attention à mes gesticulations – sont dans leur plein droit à partir du moment où ils n’outrepassent pas ce droit de non appréciation pour le transformer en droit de destruction, et cela n’altère en rien notre droit à faire exister toutes ces choses.

Quant à ceux que je sais dans l’ombre et qui verraient dans ce que nous vous présentons quelque chose de beau et de profond ou, en tout cas, quelque chose qui les interpelle profondément, veuillez recevoir une fois encore l’expression sincère et dévouée de notre gratitude au regard du fait que vous donnez, par votre existence et par l’existence de l’expression de ce que vous ressentez, un sens à ce que nous faisons lorsque nous montons sur scène pour nous y donner sans compter au risque de faire ricaner les sots. Dans l’espoir sincère et sans cesse renouvelé de vous rencontrer toujours plus nombreux

Merci à ceux, extrêmement rares et d’autant plus chers, qui m’auront lu jusqu’au bout.
Bien à vous, et au plaisir.

Olivier pour le groupe Liturgy Of Decay.

P.S. : par respect pour les hôtes des différents forums, je ne me lancerai pas dans une polémique sans fin sur cet interminable pavé, le but de cette intervention est simplement de dire une bonne fois pour toutes en mots clairs, nets, précis et sans concession la réalité et l’explication de notre position, de notre engagement et de notre démarche aussi bien musicale qu’extramusicale. Désormais vous connaissez notre avis et chacun en fera ce qu’il en veut en son âme et conscience.

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Fred_Ataraxie
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Messagepar Fred_Ataraxie » dim. nov. 04, 2007 2:25 pm

:) J'ose. J'ai hésité pourtant hein.

J'ai réussi à lire la loghorrée d'Olivier jusqu'au bout. Sisi. Et au bout du compte, si je comprend les principaux arguments exposés ici, j'en sors l'esprit bien confus. En clair: c'est un bel exemple de défense Chewbacca. (cf South Park pour ceux qui ne savent pas ce que c'est). Le coup de massue qui se veut final.

Pour commencer, sachez que je ne porterai pas de jugements sur la prestation de Liturgy of Decay, moi au même moment je jouais à des centaines de kilomètres de là dans une très belle salle belge.

Après, autant je trouve que le droit de réponse à ses détracteurs est une chose honorable et légitime, autant la forme que cela prend ici est à proprement parler disproportionnée.

Olivier, tes idées auraient pu passer en quelques phrases, tout le monde aurait pu les lire et les comprendre. Là, tu donnes une ampleur considérable à quelques critiques lues ici ou là. Dans n'importe quel domaine, surtout quand on se produit en public, il se peut que certains n'apprécient pas, passent à coté du message, et puis il arrive que ce ne soit pas le bon soir, le bon public... ça nous arrive à tous, forcément, un jour. Et je pourrais te narrer quantité d'anecdotes survenus à mes groupes ou à d'autres que j'ai croisé à ce sujet.

Et puis n'oublies pas aussi que la critique peut aussi avoir une valeur constructive. il est parfois bon de savoir pour où on a péché pour s'améliorer par la suite.

Malheureusement, ce que je pense de tes deux longs posts est que, si bien construit soient-ils, ils vont surtout te décrédibiliser, et surtout pas donner l'envie de se pencher plus longuement sur le cas 'Liturgy of Decay'. Dommage, il y a sûrement à creuser dans ta démarche artistique.

Cordialement.
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aphrodite666
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Messagepar aphrodite666 » dim. nov. 04, 2007 6:10 pm

aie aie aie Olivier, j'adore te lire, mais là je ne sais pas si j'ai le courage... Je vais essayer d'imprimer ça et de le lire dans les transports demain.
Dommage que je n'ai pu assister à ce concert en tout cas, ça m'aurait au moins permis de prendre part au débat.
En tout cas comme Fred, je me demande quand même si il n'aurait pas été faisable, d'autant que tes qualités d'écriture te le permettent amplement, de faire une version un peu raccourcie de ta pensée pour les forums...
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nemesis_divina
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Messagepar nemesis_divina » lun. nov. 05, 2007 5:38 pm

J'ai pas eu le courage de tout lire puis de toute facon j'ai entendu que la fin du discour.
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LITURGY OF DECAY
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A Fred_Ataraxie

Messagepar LITURGY OF DECAY » ven. nov. 16, 2007 12:41 pm

A Fred_Ataraxie :

Navré du retard extrême de ma réponse. J’ai du interrompre ma rédaction parce que j’avais d’autres choses à régler et j’ai oublié ensuite que j’avais cela en cours.

Je n’ai rien contre la critique en soi, et je vais même aller plus loin : je la demande, cette critique, je la suscite. Tout au long de mon évolution, je n’ai eu de cesse de chercher des avis sincères et objectifs sur les défauts de ce que nous faisons, depuis mes premiers mixages de nos premières démos – et c’était il y a déjà de longues années. Les gens que j’écoute le plus autour de moi sont ceux dont je sais qu’ils ne font pas de cadeaux et qu’ils me diront clairement ce qui va et ce qui ne va pas – alors que ceux qui ont le compliment mou, hypocrite et systématique ne m’intéressent pas. Ca n’est donc pas à cela que je m’attaquais. Dans les critiques que nous avons reçues concernant ce concert, je t’assure qu’il y en a que je suis content d’avoir vues formulées et qu’elles ont déjà eu un impact concret sur la façon dont nous aborderons les choses à l’avenir. Par ailleurs, j’ai la conscience de la perfectibilité très grande de ce que nous faisons, c’est dans une grande humilité et une volonté permanente d’endiguer les défauts que nous sommes les premiers à pointer du doigt que nous abordons la pratique de la musique et du reste, et dans ce sens, en dehors du fait que je reconnais une entière légitimité à cette critique, je lui reconnais aussi une base réelle de vérité. Dans mon intervention, ça donnait cela : « et je salue à cet égard ceux qui ont pu avoir la critique respectueuse de son objet et ouverte d’esprit ».

Après, tout est une question d’esprit : il y a celui qui va critiquer avec respect et humilité, pour t’élever et t’aider à parfaire ce que tu fais, et il y a celui qui va critiquer pour piétiner ce que tu fais et avoir le sentiment d’en sortir valorisé dans un ricanement grossier et sans aucune considération pour ce à quoi il s’attaque – bref, qui va se servir de ta tête et de ce en quoi tu as mis toute ta ferveur et des années de travail comme faire-valoir de sa petite personne et comme paillasson pour faire briller ses pompes.

Enfin, il y a celui qui va s’ériger en juge suprême du bon goût, de ce qui se fait ou pas, de ce qui a sa place ou pas, de ce qui a le droit d’exister ou pas. C’est une chose que je refuse à partir du moment où elle s’attaque à la base à une démarche qui est sincère, parce que toute démarche sincère a le droit d’exister et d’être respecté – et la nôtre l’est jusqu’au bout des ongles. Ces gens là n’ont pas à démonter le fruit de notre travail ni à remettre en cause jusqu’au fondement de notre existence et nous n’avons pas à les laisser le faire. J’estime que dans la vie il faut savoir se battre pour ce en quoi on croit. Et je crois dur comme fer en ce que nous faisons.

Aux deux derniers types de critique, donc, je ne reconnais pas le droit de faire ce qu’ils font et je ne vois pas en quoi je devrais les respecter – et il n’y a qu’à cela que je rentre dans le lard, si tu regardes bien mon texte, les autres , je me contente de leur apporter des éléments de réponse, c’est à dire de dialoguer avec eux. Ce que je prône dans ce que nous faisons en tant que groupe et ce que j’ai à faire valoir – et en ce sens, mes interventions publiques font partie intégrante du projet Liturgy Of Decay –. c’est aussi un respect de soi, un respect de son œuvre. Et si nous ne sommes pas les premiers à les faire respecter, qui le fera pour nous ? J’estime que nous devons à l’égard des choses dont nous avons accouché avec passion de les défendre comme nous devons à nos enfants de ne pas les laisser se faire castagner ni terroriser à l’école par les petits durs qui font la loi et imposent le silence par la violence (et notre créativité aussi se fait parfois imposer le silence et finit par s’enfermer dans un mutisme proche de l’autisme pour avoir trop été malmenée par les sots et pas assez défendue).

On évolue dans un milieu où, en tant que musiciens, on fait d’immenses sacrifices pour donner forme à quelque chose et, au final, on est toujours les dindons de la farce. On n’a pas à se faire piétiner par des responsables de labels sous prétexte qu’ils peuvent nous offrir un deal ni par des journalistes sous prétexte qu’ils peuvent nous offrir une chronique ni par le public sous prétexte qu’il achète nos disques et nos places de concert. Il est de notre droit de prendre les autres protagonistes de cette scène d’égal à égal, sans se mettre au-dessus d’eux mais sans non plus se mettre en dessous, c’est à dire de faire valoir nos droits au respect et de remettre à leur place ceux qui ne les respectent pas, sans arrogance ni vanité, mais sans non plus d’excès de déférence ni de servilité.

Pondre un pavé comme le mien, c’est aussi ma façon à moi de dire que je n’accepte pas cela et que je serai le vilain petit mouton noir qui ne jouera pas le jeu habituel du groupe qui baisse la tête, rentre les oreilles et s’excuse d’exister et d’avoir osé le faire de manière si réprouvable. Je prône une approche de musicien qui marche la tête haute, sans arrogance mais aussi sans servilité, donc, dans la conscience aigue de la perfectibilité de ce qu’il fait et dans la conscience de son devoir de faire respecter ce qu’il fait à partir du moment où, par sa sincérité et son dévouement, sa démarche est respectable (car ce qui est perfectible n’en demeure pas moins respectable). L’idée n’est pas de mettre un coup de massue, mais de faire passer clairement le message que je défends mon truc et qu’en tant qu’artiste, que je fais valoir et je prône un respect de soi.

Par ailleurs, l’ampleur (c'est-à-dire, d’un point de vue textuel, la longueur) dans tout ce que je fais est un travers personnel pour lequel, à mon grand dam parfois, je ne peux rien et sur lequel, aussi étrange que cela puisse paraître, je n ‘ai presque aucun contrôle ni aucun pouvoir. C’est comme cela que je pense les choses, c’est comme cela qu’elles sortent et c’est comme cela que je les mets en forme – construites, détaillées, approfondies et laissant le moins de place possible au doute, à la mauvaise compréhension ou au détournement, quitte à être répétitives et didactiques à l’excès. Je ne sais pas plus faire une intervention en deux lignes qu’un morceau de musique en trois pistes et ça finit toujours en architecture multicouches qui part dans tous les sens.

En dehors de cela, j’ai l’habitude du net et je sais qu’un discours (encore plus s’il est de nature polémique) se doit d’être bétonné s’il veut être inattaquable et c’est aussi ce qui motive sa longueur : en faire une forteresse imprenable à la mauvaise foi et au mauvaises intentions. Celui qui veut démonter ce que j’ai à dire, avant il n’avait qu’à servir un grognement et à ricaner. Désormais, il a intérêt à avoir les arguments solides parce qu’il sait que s’il décide de descendre dans l’arène je n’hésiterai pas à y aller aussi, que la bataille sera féroce, les armes imposantes de mon côté et qu’il a intérêt à avoir bien affûté les siennes – ce qui, le plus souvent, n’est pas le cas des jugements à l’emporte-pièce. S’il ne les a pas, il s’abstiendra, désormais. Et il saura aussi que sa volonté de nous ridiculiser se retournera contre lui pour se voir ridiculisé en retour, parce que les armes et la volonté de ce respect-là, je les ai. Je préfère passer pour le connard qui ne se laisse pas piétiner que pour la bonne poire sur la tête de laquelle on peut baver. Et je préfère être lu par peu et démonté par aucun que lu par le plus grand nombre et malmené et raillé par beaucoup.

Tu sais, tel que c’est parti, parce que nous ne faisons rien comme toute le monde ou peu s’en faut (musique, son, visuels, interventions publiques) et parce que je suis quelqu’un d’« excessif » (au regard d’une norme que je ne reconnais pas et qui dicte ce qui est bien et ce qui est hors norme c’est à dire au-delà d’elle-même), nous sommes en lice pour devenir un groupe sur la tête duquel on aime bien ricaner. Et bien face à cela je démontre qu’on est le groupe sur la tête duquel on ne bave pas impunément et qui n’hésite pas à descendre dans l’arène pour cela. A ceux qui s’y risqueraient, autant y réfléchir à deux fois et s’assurer que leur démarche critique rentre dans les conditions de respect de l’autre et de la création que j’impose et en dehors desquelles je me réserve le droit de remettre le critique à sa place avec la manière et les armes qui sont les miennes.

Par ailleurs, tu sais, ce qui décrédibilise aux yeux des uns crédibilise aux yeux des autres, plus cela va et plus je m’en rends compte – car je n’en suis pas à mon premier coup d’essai en matière de choix esthétique ou d’approche qui soit sujet à la polémique et à la remise en question profonde. Cette longueur, cette grandiloquence, c’est ce que je suis. Je n’oblige personne à aimer ni à s’y intéresser, mais ceux qui aiment, je sais au moins qu’ils ne se trompent pas sur la marchandise parce que je joue carte sur table en tous points et qu’il n’y a pas de surprise. C’est ce que j’ai de plus sincère à proposer. Et je peux t’assurer qu’il y en a qui saluent cette sincérité et cette ardeur-là, qui aiment justement sa rareté, sa témérité, qui acclament ceux qui ne sont pas comme tout le monde. Et c’est précisément pour aller à la rencontre de ces gens-là, assoiffés d’authenticité, de sincérité, de belles valeurs et de quête de grandeur, que je fais de la musique. Je laisse les fans du consensus mou qui fait plaisir à tout le monde et ne dérange personne, ceux-là même qui me rient au nez, aux autres, ils ne m’intéressent pas.

A l’heure où tous les groupes tentent tant bien que mal de sortir du lot gigantesque et difforme d’une scène qui ne ressemble plus à grand-chose tellement elle explose, et où ces groupes rivalisent d’ingéniosité (parfois) et d’arguments marketing maladroits et en plastique à la triste image des déliquescences de l’industrie de cette scène vers une compétitivité de marché effrénée et sauvage (le plus souvent) dans le but de tenter désespérément d’apparaître au-dessus de la masse et pour faire valoir le petit plus qu’ils espèrent les voir décrocher le gros lot de la nouvelle référence (ça finit en encore plus violent, plus evil, plus clouté, plus romantique, plus voix féminine, plus doom et plus lent, plus tatoué, plus pas content, plus qui fait les gros bras sur les photos, plus qui bouge sur scène de long en large parce que ça pulse et que si t’es bon scéniquement faut que ça le fasse, plus je sais parler au public droit dans les yeux parce que toi oui toi je t’aime toi là-bas tu es mon meilleur public que je n’ai jamais eu, le sais-tu, etc…). Moi j’ai choisi la vérité et la ferveur incandescente des passions qui me portent et que j’ai dans le cœur. Dans leur nature et dans leur intensité, je les sais dans la démesure (c’est à dire hors de la mesure qui est celle de la norme). Je me sais dans la démesure. Je ne vois pas de raison de ne pas faire valoir cela de mon côté et je ne m’en priverai pas. Que cela dénote n’est pas pour me déplaire.

On ne peut pas plaire à tout le monde. Les soutiens dans l’ombre et qui ne s’étalent pas sur les forums, j’en reçois – y compris ceux qui saluent que je ponde 20 pages sous Word sur VS et sur tous les forums où on se sera fait baver sur la tête pour faire valoir nos droits, y compris ceux qui saluent le fait qu’enfin ça bouge, qu’enfin ça dérange, qu’enfin ça parle, qu’enfin ça bouscule les petites conventions encroûtées. Je suis ravi de plaire à ceux-là et de déranger les autres. En fait, le rôle du connard qui empêche les choses de mal tourner en rond et qui fait valoir des valeurs personnelles dans un jusqu’auboutisme sans concession d’intégrité, d’authenticité, de loyauté et d’ardeur envers ce en quoi il croit, quitte à déplaire, ça me va. J’assume pleinement, et qui aime me suive, et qui n’aime pas se désintéresse de mes gesticulations ou les conspue. L’avenir nous dira quelle sera la catégorie la plus nombreuse et la plus zélée, mais j’accueille personnellement le fait de ne pas susciter d’indifférence molle et tiède et de poser problème à l’inertie générale et bien pensante faite de petites conventions bien rodées comme une excellente nouvelle qui, loin de me faire craindre pour l’avenir du groupe – sur l’autel duquel je ne sacrifierai de toute façon jamais mes valeurs personnelles puisqu’elle en font partie intégrante – , m’engage à penser que je suis sur une bonne voie et qu’il me faut continuer à aller dans ce sens. En tout cas ce sera ma voie, et quoiqu’il advienne, je pourrai avoir la tête haute et le cœur en paix de cette vérité-là.

Enfin, ma longueur est aussi et peut-être surtout mue par la gravité et l’urgence de ce dont je parle, qui nécessite selon moi que l’on abandonne séance tenante les demi-mesure et les propos tièdes pétris de complaisance à l’égard des inconsciences et des inconséquences. Encore une fois on parle de guerre à venir, de choc de civilisation qui, si c’est le cas, verrait s’opposer des blocs de plusieurs centaines de millions de gens. On parle de centaines de milliers de morts (peut-être en apéritif) et d’un chaos gigantesque et peut-être planétaire qui est là, à nos portes, donc s’il y a besoin de coups de massues dialectiques pour que ça rentre dans la tête des rétifs qui ricanent embaumés dans leur confort égocentrique et inconséquent, je choisis la massue parce qu’il faut que ça rentre, l’avenir nous dira si je suis décrédibilisé pour cela, en tout cas, là encore, je suis sincère en cela – et loyal envers ce que je crois. Je pense que sur ces questions, de bruit on n’en fait jamais assez et je préfère en faire trop que pas assez.

Sinon, tu sembles penser que mes idées, dans leur évidence, auraient pu passer en quelques phrases. Je pense personnellement que les quelques phrases ne servent qu’à contenter et à convaincre ceux qui sont déjà d’accord avec toi, c’est à dire à prêcher aux convertis, ce qui, à mon sens, a un intérêt assez limité. Ceux pour qui une conclusion ne va pas de soi, il faut tout reprendre depuis le début ou presque et leur en démontrer la solidité pas à pas. Si tu dois te confronter à des détracteurs, les évidences ne suffisent pas, seule une démonstration solide, étayée et sans faille peut imposer le respect. Si mes idées et mes façons de faire étaient si évidentes que cela et pouvaient être acceptées et reconnues comme vraies et inattaquables en quelques mots, elles ne seraient pas sujettes à la destruction de la manière dont elles l’ont été – et ma démarche non plus. Pourtant, elles l’ont été. Cela signifie bien que certaines évidences ne peuvent s’offrir le luxe de la légèreté d’expression que lorsque les personnes en face sont bien disposées à les reconnaître. Contre les lance-roquettes, c’est à la pelleteuse et au béton armé qu’il faut cimenter ton propos, c’est en tout ça ce que je crois, et c’est encore plus le cas lorsque, comme nous le faisons, tu choisis un mode opératoire et une approche qui sort littéralement des sentiers battus et qui n’en est que plus critiquée d’une part, et plus vulnérable d’autre part. Lorsque le but d’une réaction est de mettre à bas ce que tu fais, je crois en la nécessité d’imposer le respect de ce que l’on fait par l’usage de la force (et je dis bien de la force et non de la violence, étant personnellement dans une démarche rigoureusement non-violente à tous niveaux, mais il ne faut pas confondre la violence avec la fermeté, la première étant mue par une volonté de nuire, de détruire et de meurtrir tandis que la seconde n’aspire qu’à la réalisation concrète et constructive d’une chose envers et contre toutes les entraves qui lui font obstacle. Violent, je refuse de l’être, et j’espère y parvenir. Fort et ferme, je refuse de ne pas l’être, et j’espère tout autant y parvenir).

Ne pas être consensuel ne me dérange absolument pas, si j’étais en phase avec les consensus je serais en paix avec le monde des hommes et je suis en guerre contre ce qu’il est, c’est donc dans la plus pure logique – et les aberrations et les bassesses de ce qui constitue notre humanité, ça commence aussi sur les forums et les remettre à leur place et ne pas les laisser mépriser par les actes ce qui se doit d’être respecté c’est aussi là que ça commence. Mon but à moi est de faire évoluer les conscience, de les bouger, de les pousser à se questionner, à se regarder en face, de les faire sortir de leur inertie, et, a priori, il faut parfois les secouer avec force pour cela.

On ne peut pas plaire à tout le monde, donc – et je n’en ai aucunement l’intention. Heureusement, d’ailleurs, vue la musique que nous faisons de toute façon c’est déjà perdu d’avance. Personnellement, je cherche la qualité d’un auditoire avant d’en chercher la quantité. Je cherche la profondeur de l’échange avant de chercher sa profusion. Je fais de la musique pour des gens qui se sentent hors de ce monde comme je m’en sens moi-même étranger, et je ne suis pas sûr que me voir rabrouer les vices de ce monde qu’ils ont été les premiers à subir et dont ils ont été les premières victimes soit nécessairement à envisager comme quelque chose de répulsif qui les tiendrait hors d’un quelconque intérêt pour le groupe. Les gens à qui je m’adresse et qui sont ceux que j’aspire à rencontrer à travers cette musique, les quolibets stupides et les grognements des sots, ils en sont souvent l’objet ou les victimes – mais rarement les instigateurs. Je suis loin d’être persuadé que me voir remettre ces derniers à leur place et leur rabattre le caquet en protégeant ce qui m’est cher et ce qui a du sens de leurs doigts sales et irrespectueux soit quelque chose qui joue en la défaveur du groupe aux yeux des premiers, même si ça le fera aux yeux des tièdes ou des ricanants dont l’appréciation ou simplement l’approbation de ce que nous faisons qui m’indiffère au plus haut point.

Les choix de « gestion de carrière et d’image du groupe » que certains disent suicidaires, d’autres les acclament – et je t’assure que ce sont les mêmes choix. Je me contenterai de mon côté de dire que je suis resté honnête et vrai – et cette longueur, et cette grandiloquence, et ce caractère rentre-dedans, tout cela c’est moi. J’ai précisément à faire valoir une approche des choses fondée sur des principes et des valeurs et qui refuse de les renier sous couvert de stratégie ou par peur de déplaire. Etre intègre et fidèle à mes principes envers et contre tous, envers et contre tout s’il le faut, c’est précisément cela ma façon de mener ma barque et je crois encorne suffisamment en cette scène pour croire que c’est un pari qui sera gagnant.

Un musicien de la scène qui est aussi un ami qui m’est cher a coutume de me dire, le sourire aux lèvres et avec tendresse, mais de me dire quand même : « Olivier, tu es vraiment un grand malade ». La question est de savoir si c’est une force ou une faiblesse dans la pratique de l’art. Reste donc à savoir si mes emportements, mon anticonformisme et l’ampleur de ce que je fais et que d’autres nomment mes excès seront mes pires ennemis ou mes meilleurs alliés. L’avenir nous le dira. En tout cas, tout ce que je sais c’est que je ne suis jamais autant moi-même qu’en étant cela.

Cordialement, et en te remerciant sincèrement pour la courtoisie et le respect dont tu as fait preuve dans ta critique que, pour ces raisons, tu me vois soupeser et discuter dans les meilleures dispositions d’esprit possible. (Et au plaisir, par ailleurs, de te recroiser éventuellement un jour sur une scène commune)

Olivier.

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Entomber
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Messagepar Entomber » ven. nov. 16, 2007 6:50 pm

Huhu sacrés pavés 8O , t'as bien du courage!

Faut relativiser quand même toutes les critiques, j'ai trouvé l'accueil du public très bon moi.
Effectivement le style n'est pas le genre le plus en vogue sur certains forums (dont VS), mais objectivement dans la salle la réaction était globalement vraiment bonne.
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Johann Neanderthal
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Messagepar Johann Neanderthal » ven. nov. 16, 2007 9:27 pm

Hello Olivier,

Tu dis de belles choses, y a un vrai souci de formulation et y a une grande vérité dans certains passages. ça te tient à coeur ça se voit, mais garde ton temps précieux en te focalisant sur la musique, il y aura toujours des gens pour chicaner, on fait jamais l'unanimité. Il y a une grande jalousie dans ce milieu, beaucoup de mecs frustrés dans des groupes qui galerent et qui cherche des "dindons" pour cracher leur venin et les brasser. Ce ne sont pas des gens intéressants. Autant les oublier.
Continue sur ta lancée, ça paiera mon ami!


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